Chronique Sociétale 2024-2

Les numéros en italiques renvoient aux titres des documents qui seront prochainement publiés sur le site internet de Contrat Social et réservés aux membres de l’association


L’actualité, ce trimestre, reste la même que précédemment. Comme dans la chronique précédente, nous parlerons donc de la Palestine, de l’Ukraine, de l’Afrique et du climat… Mais ensuite, il existe aussi quelques nouveautés : L’agriculture, d’abord, qui se rappelle à notre bon souvenir, par le « salon » mais aussi par les manifestations récentes. Ensuite l’école, un sujet pas vraiment nouveau, mais qui revient en tête de l’actualité avec les rapides changements de ministres aux idéologies opposées.

La Palestine

Nous ne nous attacherons pas ici à la description (dont le public raffole) des ignominies com-mises par les deux camps en présence, mais plutôt sur les projets de solution dont se fait l’écho l’historienne Mme Seri Herch dans The Conversation (2024-2-1, ). Elle ne voit que deux solutions possibles : les « deux états », qui est la mantra des organisations internationales, ou « l’état multiconfessionnel » sans doute plus difficile à établir, mais peut être plus résilient à long terme. En peu de mots, elle souligne à la fois les avantages et les difficultés de chacune de ces deux options. Toute personne s’intéressant à cette question aurait intérêt à se reporter à ce texte synthétique, qui ne privilégie ni l’une ni l’autre de ces deux options, mais en met en évidence les avantages et les difficultés associés tant à l’une qu’à l’autre.

L’Ukraine

Le conflit Ukrainien peut-il s’étendre à toute l’Europe ? C’est l’objet de beaucoup de spéculations chez les hommes politiques et chez les journalistes. Dans The Epoch Time (24-2-2) , le journaliste Naveen Athrappully interroge Jan Stoltelberg, un haut responsable de l’OTAN, qui estime que son organisation doit se préparer à une guerre avec la Russie, car nous n’avons aucune garantie que Poutine, s’il est vainqueur en Ukraine, ne cherchera pas à étendre le conflit. Certes, remarque le journaliste, Vladimir Poutine à proclamé haut et fort qu’il n’étendrait pas le conflit... Mais peut-on lui faire confiance ? Enfin, autre remarque intéressante, Trump a déclaré que, s’il revenait au pouvoir, il laisse-rait les européens se débrouiller… Ici encore, cela renforce l’idée d’appliquer le fameux proverbe si vis pacem, para bellum.

Les craintes des états Baltes appuient ce point de vue, insiste Aurélien Duchêne dans Contrepoint (24_2_3). Il développe l’idée que ces états, du point de vue de Poutine, font partie du « monde Russe » : au début de la seconde guerre mondiale, de nombreux ressortissants des états Baltes avaient été déportés en Sibérie, et remplacés par des Russes, qui forment encore des minorités significatives dans ces pays. . Ceux -ci seront nécessairement le prochain objectif après l’Ukraine. Rappelons qu’Aurélien Duchesne, dès 2001, avait prévu l’invasion de l’Ukraine, alors que tout le monde était sceptique…

Pour finir cette rubriques, et pour la distraction, citons un interview assez provoquant de Em-manuel Todd dans Hérodote (24-2-4) , selon lequel, avec cet antagonisme entre l’occident et la Russie, on nous refait la guerre du Péloponnèse… La guerre du Péloponnèse est cette fameuse lutte entre Athènes et Sparte au Vème siècle avant Jésus Christ. Todd voit l’affrontement entre le monde occidental et la Russie comme celui d’Athènes contre Sparte. Cette interview, en fait, date de 2018, bien avant l’invasion de l’Ukraine, et parle plutôt de la guerre en Syrie. Mais la guerre en Ukraine lui garde toute son actualité. Les pays occidentaux seraient «démocratiques », comme l’étaient les Athéniens, cependant que la Russie serait un pays «oligarchique», comme Sparte. Ni l’une ni l’autre de ces deux citées ne parvint à l’emporter sur l’autre… Cependant, bis repetita non placent… Rien n’est sûr !

L’Afrique

Quoique ce continent fasse rarement la une des quotidiens, il est bien clair qu’il doit jouer un rôle majeur dans l’histoire mondiale des prochains siècles. Reste que, comme le disait René Dumont, l’ « Afrique noire est mal partie ». Et cela représente pour les européens tout à la fois une responsabilité et un fardeau. Ce sont eux, en effet, qui ont participé à cet échec au siècle dernier, et qui en subis-sent les conséquences actuellement, avec une immigration aussi massive que non désirée.

Un document intéressant (24-2-4) est intitulé « Proposition de conférence sur Philosophie et Développement ». Il émane de L’AFD (l’agence française pour le développement, un établissement public qui finance des projets de développement) et n’a pas d’auteur affiché. C’est sans doute un pro-jet de colloque qui n’a pas eu de suite. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un ouvrage certes un peu long et technique, mais qui mérite d’être médité.

La question posée est cruciale : « Et si la culture Africaine impliquait le refus du développe-ment ? ». Évidemment, la réponse dépend de la définition que l’on donne aux mots de « culture » et de « développement ». C’est pourquoi le document débute par une analyse de ces notions. Puis, il revient sur les handicaps qui ont pu frapper l’Afrique, avec, évidemment, la « traite des noirs » qui l’a dépouillée de ses éléments les plus robustes. Mais le même document signale aussi d’autres maux plus discrets : le « colonialisme et le néocolonialisme, ainsi que le déracinement culturel impliqué par les religions nouvelles… (ce dernier point, en particulier, est sans doute discutable, mais mérite assurément d’être discuté).

Pour finir, l’auteur suggère « d’en finir avec les négritudes » ainsi qu’avec « le conformisme et le snobisme » … C’est sans doute un peu court, et décevant par rapport au début de l’article. Hélas, si l’on connaissait un moyen de développer l’Afrique, cela, probablement, se saurait… Il n’en demeure pas moins que ce document, écrit par un africain, apporte tout de même quelques idées originales qui justifient que l’on en parle ici…

Plus prosaïque, mais sûrement plus pertinent à court terme, est l’article Kako Nubukpo dans Le Monde (24-2-6) sur le nécessité d’augmenter la production agricole en Afrique si l’on veut éviter une famine analogue à la famine Irlandaise des années 1849-50, avec des « émeutes de la faim » et d’autres drames comme ceux qui ont commencé à se manifester avec la crise du covid. Or l’accroissement nécessaire de l’offre alimentaire est ici parfaitement possible si l’on s’en donne la peine…

Climat et énergie

Les articles sélectionnés sur ce thème ce trimestre sont plutôt des notes furieuses « à contrecourant » - justifiées ou non, mais toujours intéressantes.

Dans Le Monde (24-2-7), Luc Semal, « spécialiste des mobilisation écologiques » s’insurge contre l’attitude prudente du public vis à vis de la décroissance. La décroissance, dit-il, ce n’est pas que tout le monde se serre la ceinture. C’est de prendre aux riches pour donner aux pauvres…

Naturellement, il s’agit là d’un vieux slogan qui a fait ses preuves. C’est tout son intérêt. Faut-il néanmoins le prendre au sérieux ? Le lecteur jugera…

Sous la plume de Géraldine Hallot, une « cellule d’investigation » de Radio France, dans le même esprit, part en guerre contre le projet de construire une centrale de production d’électricité hydraulique en Arabie Saoudite, tel qu’envisagé par EDF ( 24-2-8).

Naturellement, dans une telle affaire, la première idée qui vient à l’esprit est l’absurdité de compter sur l’hydro-électricité dans un pays désertique. Mais semble-t-il, techniquement, le problème n’est pas là ! L’idée est de créer une ville nouvelle, entièrement alimentée en énergie par du « renouvelable ». Le problème est que l’éolien et le photovoltaïque son des énergies intermittentes. Dès lors, il faut un moyen de stocker l’énergie en période d’abondance, pour la restituer en période creuse. C’est à quoi servira le barrage hydraulique, qui remontera de l’eau d’aval en amont en période « grasse » pour la turbiner en période « maigre ». … L’affaire est donc solide sur le plan technique. Mais l’horreur, c’est que cette ville nouvelle ne pourra être fréquentée que par des gens assez riches… Et cela mobilise les écolos de tous bords…

Toujours dans le genre « critique sans nuances », même le Figaro, d’ordinaire plutôt mesuré donne la parole à Samuel Furfari, un ancien expert Bruxellois, pour proclamer que « les renouvelables ça suffit » (24-2-9) . En fait, cet article est plus intéressant qu’il ne pourrait sembler au premier abord, car il fait un inventaire de toutes les erreurs de prévision des « futurologues » en matière de production et de consommation d’énergie. Son argument central est qu’il est complètement impossible d’assurer la fourniture de la demande mondiale d’énergie uniquement grâce au vent et au soleil. Il est donc inutile de continuer à dévaster nos paysages et à dépenser des ressources pour un résultat qui sera de toutes façons insuffisant. Il faut donc trouver autre chose… Assurément, cela peut se discuter. Mais de toutes façons, ces arguments doivent être envisagés.

Enfin toujours dans le domaine « critique de la bienpensance », il faut mentionner celle de Jean-Marc Jancovici par Thomas Justin, publiée encore par France Info.(24-2-10) . On sait que Jean-Marc Jancovici est un expert reconnu en matière de politique énergétique. Il a récemment eu l’occasion d’exposer ses vues devant une commission du Sénat. Or, dit Thomas Justin, cette présentation était pleine d’erreurs…

Justin ne critique pas le point de départ de Jancovici : c’est vrai que le climat se réchauffe, et que cela est dû à l’accumulation des « gaz à effet de serre » dans l’atmosphère. Dès lors, la question qui se pose est de savoir comment revenir en arrière, et diminuer cette concentration excessive, en particulier de gaz carbonique (CO2). Comme beaucoup, Jancovici parle de son absorption par la photosynthèse. Mais - là est l’erreur - les tissus végétaux ne sont pas éternels : soit qu’ils brûlent, soit qu’ils se décomposent, en fin de compte, le carbone qu’ils stockent quelque temps est relâché dans l’atmosphère. Donc, la plantation de forets ne stockera du carbone qu’au mieux pendant quelques siècles, ce qui est toujours autant de gagné, mais loin d’être définitif… Or, ajoute Justin, il existe d’autres phénomènes naturels qui stockent le carbone sous forme de massifs calcaires pour un temps presqu’infini : il s’agit tout spécialement de « l’érosion des roches silicatées (en particulier l’olivine) », à la base du « cycle lent du carbone ». Or l’olivine est assez abondante à la surface de la terre. On pourrait donc la concasser et l’exposer aux intempéries pour, cette fois, stocker le carbone dans la mer pour des centaines de milliers d’années…

Justin critique encore d’autres aspects de l’exposé de Jancovici : Non, nous n’allons pas vers une énergie de plus en plus rare, du fait, en particulier, de la baisse du coût des panneau solaires - lesquels sont de moins en moins handicapés par la rareté des matières premières. Non, il ne sera pas nécessaire de déplacer les villes à la campagne pour en rendre l’approvisionnement plus facile, etc…

En fait, il semble que l’exposé de Jancovici devant les sénateurs n’ait été qu’un catalogue des idées « éclairées » courantes en la matière, et que beaucoup de ces idées, en fait, soient très critiquables. C’est tout l’intérêt du document de Thomas Justin de poser la question. L’avenir dira qui avait raison....

L ’environnement

Le réchauffement climatique et l’origine de l’énergie ne sont pas les seuls sujets liés à l’environnement. Ce trimestre, deux autres préoccupations sont notables en la matière.

Le sort des bouteilles en plastique, d’abord. Dans Alternatives économiques, Audrey Fisné-Kosch (24-2- 11) se demande si ce type d’emballage - qui tend en effet à remplacer le verre, en particulier pour les eaux minérales - ne devrait pas être interdit, car les résidus de plastique dans l’environnement sont nuisibles à la santé… En fait, et contrairement aux apparences, son propos va plus loin, et met en cause la pratique de la consommation d’eau minérale, souvent encore plus polluée que l’eau du robinet....

Il est possible qu’elle ait partiellement raison - encore qu’il ne semble pas que l’adoption des bouteilles plastiques ait vraiment diminué l’espérance de vie des citoyens - Par ailleurs, il est vrai aussi - comme le remarquait autrefois Alfred Sauvy - qu’on se demande pourquoi les gens dépensent des sommes importantes pour l’eau en bouteilles, quand ils peuvent avoir la même chose quasiment gratuitement au robinet. Il est cependant bien difficile de ne pas voir ici l’une de ces intrusions des « Ayatollah » de l’écologie dans la vie privée des citoyens pour en prendre le contrôle…

Et le règne de ces Ayatollah apparait aussi dans Le Monde (24-2-12) où Julien Quintard , dans un long article, chante les louanges du « rewilding » - l’idée de « ré-ensauvager le monde » pour y rétablir la « biodiversité » en perdition - tout en en soulignant les difficultés. De fait, la notion même pose problème : il est peut-être possible de consacrer quelques milliers d’hectares à une « nature redevenue vierge ». Mais ces surfaces, nécessairement, entretiennent des liens avec les surfaces voisines, sans doute cultivées : et alors, il ne s’agit plus de nature vierge et indépendante de l’Homme.

En outre, il faut les faire accepter, ce qui, sous toutes les latitudes, entraîne des difficultés avec les « paysans » - lesquels sont vite excédés par les déprédations des bestioles qui sortent du paradis pour se nourrir… qu’il s’agisse de sangliers, d’ours, de loups, d’éléphants ou d’autres animaux tout aussi dévastateurs.

Enfin, bien sûr, ces espaces « sauvages » attirent les touristes, qui ne sont en riens « naturels » aux yeux des écologistes : Quand on voit par exemple l’espèce de « fête à Neuneu » qui se développe autour du Yosemite park - cette aire « naturelle » protégée au sud de San Francisco depuis l’acte signé par Abraham Lincoln en 1834 - on en vient à se demander si les décisions du malheureux président des Etats Unis ont vraiment été utile à la Nature...

L’agriculture

Une fois n’est pas coutume, la rubrique agricole sera assez fournie ce trimestre - cela, à cause du salon de l’Agriculture, - cette sorte de grand-messe nationale autour du sujet - qui se déroulait au moment d’écrire le présent document, mais aussi et surtout du fait de la difficile coexistence entre les agriculteurs et les « écologistes » que les manifestations récentes (qui coïncidaient avec l’ouverture du salon ) ont mis en évidence.



Un article de Pierre Marie Aubert, dans Alternatives Economiques (24-2-15), situe assez bien le problème : La politique agricole se fait surtout à Bruxelles, autour de deux idées contradictoires qui sont : 1/ Le libéralisme, le marché se chargeant d’éliminer les producteurs inefficace, ce qui permet d’abaisser les coûts et de diminuer les prix pour le plus grand bonheur des consommateurs. … et d’un autre côté, 2/ L’écologie qui a pour objectif de préserver la Nature, évidemment toujours bonne, et qu’importe de laisser intacte pour les générations futures.

Aucune de ces deux idées ne correspond à la réalité : Le marché engendre des fluctuations de prix complètement insupportables tant pour les producteurs que pour les consommateurs ; et la Nature, n’est ni toujours bonne, ni toujours immuable. Le résultat est un ensemble de règlements souvent arbitraires et contradictoires. Ils ne sont que peu visibles par les consommateurs, mais frappent de plein fouet les producteurs Ceux-ci ne peuvent se défendre contre des concurrents qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. De plus, ils sont condamnés à passer des heures derrière leurs ordinateurs pour satisfaire aux multiples règlements auxquels ils sont soumis. Et cette situation explique le mécontentement des agriculteurs, et leurs manifestations spectaculaires…

Deux autres articles -chacun dans un sens - illustrent bien ce propos : Dans Agrimutuelle (24-2-16) , Dominique Potier - rapporteur d’une commission parlementaire chargée de comprendre les raisons de l’échec des efforts pour limiter l’usage des pesticides - proclame haut et fort qu’il ne faut pas se décourager, et que les efforts en la matière doivent se poursuivre, sous peine de désastres sanitaires (en fait, les agriculteurs, au contact de ces produits réputés dangereux, vivent plutôt plus long-temps que la moyenne des français…). Dans Alternatives économiques ( 24-2-17) une agricultrice du Morbihan explique que tout cela est de la poudre aux yeux, et que la seule chose utile à faire serait de garantir les prix, comme autrefois, avant la vague de libéralisme qui sévit depuis les années 1980… …

Enfin, un contributeur inattendu est André Laramé (le directeur de la revue d’histoire Hérodote, a priori très loin de ces querelles) ) qui suggère une technique ingénieuse pour limiter les pesticides (24-2-18) : Au lieu de payer aux agriculteurs des aides inconditionnelles, déduire de ces aides le montant des factures de pesticides qu’ils auront acquittées : ainsi, rétablirait-t-on une sorte de mécanisme de marché dans cette affaire… l’avenir dira si la chose est faisable…

L’école


Avec les « groupes de niveau », la nouvelle initiative du Ministère de l’Éducation Nationale, (qui impliquera nécessairement le recrutement de nombreux enseignants, au désespoir des partisans de l’équilibre budgétaire) … la question se pose à nouveau de savoir si la diminution du nombre d’élèves par classe (ou par « groupe de niveau…) sera vraiment une amélioration par rapport la situation actuelle… Linh Lan Tao, de France télévision, fait le point sur ce débat (10-20-19). .

Certains, dont Mme Oudéa-Castera, ancien ministre de l’éducation nationale, affirment que les « petits groupes », en diminuant l’émulation, vont plutôt dégrader qu’améliorer la situation. De nombreux articles supposés scientifiques, au contraire, tendent à démonter la proposition inverse : en facilitant les relations avec les enseignants, ces petits groupes aboutissent à élever le niveau, comme on peut le vérifier par des études statistiques… On verra s’il sera possible de vérifier cela en situation réelle…

Sujets de société

Ils sont nombreux, ce trimestre, à avoir défrayé la chronique : certains à la limite entre le social et le religieux, comme le voile islamique, ou l’euthanasie, d’autres plus « laïques » comme la question des éditions scientifiques ou les « fakenews ». La question de la natalité est inséparable de celle de la « vie ne couple ». Enfin, nous évoquerons un article dans Alternative économiques sur « l’emploi des seniors », un sujet qui nous ramènera à une vieille préoccupation de Contrat Social , celle des retraites…

Le projet de loi sur « la fin de vie » - qui autoriserait certains patients à demander une « aide à mourir » et autoriserait les soignants à accéder à, leur demande - suscite évidemment beaucoup de commentaires. Comme le remarque Richard Guesdon dans Contrepoint (24-2-20), le débat se situe entre les « libéraux » qui revendiquent le droit de chacun de décider de ce qui l’intéresse, et le clergé, tant catholique que juif ou musulman, farouchement opposé. Beaucoup de médecins, également, s’opposent à ce qu’ils considèrent comme une violation du serment d’Hippocrate, qui implique de refuser toute action nuisible au malade. Le projet de loi est porté à la fois par Catherine Vautrin, ministre de plein exercice, notoirement opposée à l’euthanasie et Agnès Pannier-Runacher, non moins notoirement connue pour y être favorable. On verra le résultat de cet alliance improbable.

La question du voile islamique est évoquée dans un intéressant article bien documenté de Leïla Tauil dans The Conversation (24-é-21). Contrairement à ce que croient beaucoup, de gens, le port du voile n’est nullement une prescription divine selon l’Islam. Tout au plus, du temps de Mahomet, le voile servait à distinguer les femmes libres des esclaves… Depuis ce temps, l’attitude des femmes musulmanes vis à vis du voile a beaucoup changé : A certains moments, le rejet du voile marque la libération du peuple opprimé contre l’autorité civile ou religieuse. A d’autres moments, c’est exactement le contraire, les femmes se voilant pour échapper à la perversité des mâles ou pour revendiquer la liberté religieuse… En tout cas, on peut se demander si l’ « interdiction du voile » en France ne produit pas l’effet contraire : de nombreuses filles le porterait en France dans le seul but de proclamer leur indépendance vis à vis d’un Etat qui se mêle de tout, exactement comme font, en Iran, celles qui l’enlèvent pour s’affranchir de la tutelle des Ayatollah…
Dans un tout autre domaine, Pauline Fricot, collaboratrice d’un périodique relativement nouveau, Science et Critique (24-2-22), s’élève contre « le scandale des revues scientifiques ».

De fait, ces revues, dites « à comité de lecture », sont souvent considérées par le public comme l’expression de « la vérité », du fait que le manuscrit a été examiné par un ou plusieurs « référés » - d’autres scientifiques (en général, bénévoles !) auxquels le manuscrit a été soumis pour avis, et qui l’ont approuvé - . Or un référé a certes les moyens d’apprécier la clarté et la cohérence du manuscrit, mais certainement pas ceux d’apprécier l’honnêteté et la rigueur ou du ou des auteurs, de sorte que la publication dans une « revue à comité de lecture ne garantit rien quant à la justesse des conclusions. Cela n’empêche pas ces institutions de statut privé de se faire souvent grassement payer pour publier l’article d’un jeune scientifique qui en a besoin pour débuter sa carrière. En plus, elles font en même temps payer des abonnements dispendieux aux bibliothèques universitaires, ou aux chercheurs qui souhaitent « être au courant » des derniers développements de leur discipline…

La critique est parfois exagérée, car les revues en question sont souvent gérées par des associations de bénévoles, dont les finances sont parfois précaires. Il n’empêche que mettre le public en garde contre les excès en la matière ne peut pas nuire…

Toujours dans le même ordre d’idées, Sylvie Blanco et Yannick Chatelain, dans Contrepoint (24-2-23) abordent la question des deep fakes. En fait, les auteurs ne donnent pas vraiment de définition de cet objet, qui désigne les « fausses nouvelles » diffusées par Internet, et qui sont amplifiées par les logiciels « d’intelligence artificielle » en plein développement. On arrive ainsi par exemple à diffuser des images pornographiques dans lesquelles les visages des « héroïnes » sont remplacés par des images d’actrices connues… Il ne faut tout de même pas que le zèle libéral de cette publication présente comme « nouveau » un phénomène vieux comme le monde : ainsi, Jules César, dans « la guerre des Gaules » raconte comment deux de ses légions furent piégées par des gaulois qui avaient convaincu leurs officiers de se déplacer de quelques kilomètres « pour trouver un climat plus chaud, » ce qui avait permis de monter une magnifique embuscade et de massacrer tous l’effectif.. . Ce qui est peut être nouveau (et encore ! 😉 c’est peut-être la naïveté de beaucoup de nos contemporains dépourvus d’esprit critique, que l’on n’enseigne plus à l’école…

Nous n’insisterons pas non plus sur un document de Juliette Le Chevallier et Xavier Molénat, dans Alternatives économiques (24-2-24), ni sur celui, apparenté, de Christophe Giraud dans le même pé-riodique (24-2-25) - l’un s’inquiétant de la baisse de la natalité, l’autre des transformations de la vie de couple, peut être à l’origine de la précédente… L’un et l’autre s’accordent sur une nouvelle façon d’envisager la famille, avec, évidemment, des conséquences sur la procréation.

Enfin, terminons par quelques remarques d’Audrey Fisné-Koch dans Alternatives économiques (24-2-25) sur le « travail des seniors » -un sujet évidemment lié à celui des retraites.

De fait, il existe actuellement une forte pression de nombreux milieux sur les « seniors » pour les maintenir dans « la vie active », ce qui permettrait de faire des économies sur les retraites, en même temps que d’augmenter le revenu national…

C’est là un sujet extrêmement délicat, qui met en cause les « engagements » de l’État vis à vis des futurs retraités (qui peuvent penser que, lorsqu’ils étaient jeunes actifs, ils avaient acquis un « droit » la retraite à un âge déterminé), mais aussi, et surtout, l’intérêt du travail : si les gens ont un travail réellement intéressant, ils n’ont absolument pas envie de le quitter, et même, continuent sou-vent à titre bénévole ! . Mais hélas, le travail est trop souvent vécu comme un bagne par beaucoup de gens, cependant que de nombreuses entreprises manquent de confiance dans la capacité des « vieux » à « répondre aux exigences de la « modernité ». Ajoutons à cela (ce n’est pas mentionné dans le document) l’impatience des « jeunes » à occuper le poste détenu par un « vieux », poste qui évide-ment, ne sera pas libéré si l’intéressé ne prend pas sa retraite…

Enfin, dernière objection, et non des moindres, les « seniors », s’ils perdent leur emploi, ont souvent du mal à en trouver un autre, parce qu’ils sont moins malléables et peut être moins bien formés que les jeunes : dès lors, il faut s’attendre à ce que le coût des indemnités de chômage absorbe le bénéfice de l’allongement du temps de travail... On en déduit que le recul de l’âge du départ à la retraite implique un formidable effort de formation des seniors, effort qui pourrait annuler les bénéfices de l’opération…

Il faudrait bien des pages pour examiner tous les tenants et aboutissants de ce problème dont les dimensions sont à la fois celles de l’économie fondamentale et celles de la bureaucratie mesquine… Un projet d’étude pour Contrat Social ?






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