Chronique Sociétale 2023 – 4

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Contrat social

Chronique Sociétale 2023-4

Les numéros en italiques renvoient aux titres des documents qui seront prochainement publiés sur le site internet de Contrat Social et réservés aux membres de l’association

En dépit des vacances, ce troisième trimestre 2023 aura été assez agité. Nous essaierons de ne pas nous perdre dans l’actualité pour nous concentrer sur les sujets plus philosophiques développé dans la presse.

Comme toujours, les sujets « écologiques » (au sens large) forment une part importante de la moisson… En particulier, la question du nucléaire a beaucoup agité une opinion qui semble changer dans ce domaine. Cependant, un autre sujet qui ressort périodiquement, celui de la « restauration de la nature », a fait ce trimestre l’objet d’une loi votée par le parlement européen sans qu’apparemment ses conséquences n’aient été évaluées ni que les médias s’y soient beaucoup intéressés.  Enfin, le souci de l’environnement pose des problèmes juridiques sur lesquels nous nous pencherons.

Mais à côté de cela, il faudra aussi nous intéresser aux coups d’État en Afrique, aux questions posées par le maintien de l’ordre, souvent mis à mal ce trimestre, et surtout à l’école, sous les feux des projecteurs du fait du changement rapide de ministre de l’Éducation. Nous terminerons par quelques considérations historiques, liées à la nouvelle orientation de la fameuse revue Hérodote, et à son projet d’histoire militante.

Questions écologiques

Le nucléaire

L’énergie nucléaire est sans doute indispensable si l’on veut réellement diminuer la teneur de l’atmosphère en CO2 pour atténuer le réchauffement climatique. Mais jusqu’ici, après les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, elle était peu facile à faire accepter à l’opinion publique. Cette situation, cependant, évolue.

Le point départ des discussions auxquelles nous nous référons ici est intitulé Le Monde sans fin. C’est une « bande dessinée » inspirée par Jean-Marc Jancovici, dont l’objectif est visiblement de « faire passer » le nucléaire grâce à un support médiatique original et surtout « tout public ». Dans ces conditions, Alternative Economiques(1-23-4), sous la plume de Alain de Ravignan et Laurent Jeanneau (deux membres de la direction de cette revue), monte au créneau, et s’emploie à démontrer toutes les erreurs de Jean-Marc Jancovici, telles que vulgarisées dans sa bande dessinée.

Ces erreurs, à leurs yeux, se détaillent sous trois rubriques : d’abord une vision très rigide du lien entre croissance du PIB et consommation d’énergie. Ensuite, la dévalorisation des énergies renouvelables et de leur rôle dans la sortie des fossiles. Enfin, un discours tendant à minimiser les risques du nucléaire. Il s’agit là d’objections sérieuses à l’encontre des « pros nucléaires » : il est vrai que la simultanéité entre croissance et consommation d’énergie ne signifie pas forcément causalité. Il est vrai, aussi, qu’il est sans doute possible d’améliorer les énergies dites « renouvelables », même intermittentes et difficiles à utiliser. Enfin, l’expérience montre que le nucléaire peut être dangereux. 

Il n’est cependant pas sûr que ces objections tiennent la route : il est difficile de nier que plus les gens sont riches, plus ils consomment d’énergie, que les éoliennes sont difficiles à piloter, et que le nombre de décès par calorie produite est bien plus faible pour le nucléaire que pour le charbon…Ces arguments sont justement ceux-là qui sont astucieusement développés dans la bande dessinée de Jancovici, devenue un best-seller. Dès lors, on peut se demander si le principal intérêt de cet article de Alternative économique n’est pas, finalement, de faire connaître ce dernier bijou…

            Dans un tout autre ordre d’idées, The Conversation (2-23-4) critique aussi la politique nucléaire française à propos de la récente loi relative à « l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations ». Sous un aspect anodin (et qui se donne l’air de vouloir simplifier la bureaucratie), cette loi, en fait, fixe pour des années l’orientation de la politique de notre pays en faveur des « réacteurs à eau pressurisée » dont on sait qu’ils fonctionnent bien, mais coûtent cher, alors que beaucoup d’autres techniques seraient envisageables, telles que la « fusion nucléaire » ou l’exploitation de « l’hydrogène blanc » récemment découvert dans notre pays…

Pour The conversation, ce refus du gouvernement français de se projeter dans l’avenir est, d’abord, une entorse au principe de la séparation des pouvoirs, ensuite une erreur stratégique, alors que le foisonnement des initiatives privées dans le domaine énergétique devrait au contraire inciter à la diversification. Reste que, dans un domaine aussi conflictuel, une décision, même non « optimale », est tout de même susceptible de faire avancer les choses, au contraire d’une concurrence potentiellement autodestructrice.

La restauration de la Nature

Un autre domaine est  celui de la « restauration de la nature », évoqué tant par Agri Mutuel (4-23-4) que par Atlantico (5-23-4). Le parlement européen a adopté le 12 juillet dernier, un texte difficile à résumer, mais dont la philosophie générale consisterait à « restaurer » autant que possible les « espaces naturels » (en particulier agricoles) dans leur état « originel » …. L’article d’Atlantico en donne un bon résumé, quoique fortement critique (chaque euro dépensé par une personne privée devrait donner lieu à un « levier » public de 38 €) , même s’il cite quelques aspects positifs tels que ne pas se focaliser uniquement sur le changement climatique. Agri mutuel de son côté se déchaîne, parce que, évidemment, les agriculteurs seront les principales victimes de ce texte s’il vient à être appliqué (on leur demande de « geler » 10% des terres agricoles ( il est vrai avec des accommodements : une plantation de pommiers sera considérée comme « gelée », on se demande pourquoi…).

En fait, quoiqu’il en soit de la sécurité alimentaire de l’Europe, de sa balance commerciale, et de l’avenir des agriculteurs, le principal défaut de ce texte est de reposer sur l’idée d’une Nature bonne et éternelle, qui serait dangereusement perturbée par des hommes inconscients des dégâts qu’ils peuvent causer. Or même en l’absence de l’homme, la Nature évolue sans cesse: des espèces disparaissent, d’autres apparaissent… les climats changent..  Le monde des dinosaures était-il meilleur que celui de Romains ? Et celui des Romains que celui de l’ère industrielle ? La question peut se poser !

Le droit de polluer et son marché

Un autre domaine conflictuel concerne le « marché des droits à polluer ». Il s’agit des « quotas d’émission de carbone » alloués à certaines entreprises par nature polluantes, dont on ne veut pas qu’elles arrêtent complètement leur activité, du fait du caractère vital de leur production.  Or certaines des entreprises bénéficiaires de telles dérogations à l’interdiction de polluer ont amélioré leurs techniques, ou diminué leur production, et par conséquent se trouvent avoir plus de « quotas » que nécessaire. Il est donc normal qu’elles cherchent à les vendre. C’est le sujet d’une publication dans Le Monde (3-23-4) de trois journalistes « freelance »

De fait, ces titres de « droit à polluer » ont été assez généreusement distribués sur la base d’évaluations discutables. Le marché des « quotas » inutiles est donc bien approvisionné, d’autant que, en outre, des entreprises réputées « dépolluantes » vendent le droit d’émettre autant de CO2 qu’elles en ont retiré de l’atmosphère, ce qui augmente l’offre. Dans ces conditions, les quotas d’émission deviennent des actifs financiers qui font l’objet de mouvements de capitaux de grande ampleur, tout en étant dépourvus d’efficacité pratique, puisque les émissions nettes de CO2 seraient inchangées en leur absence. Ce n’était assurément pas le but recherché par les promoteurs de cette opération !

Reste que ces allégations du Monde sont peut-être fausses… Seule, une connaissance intime du terrain permettrait de répondre à cette question ! 

Le droit de l’écologie

Dans le même ordre d’idées, Agriculture et environnement (6-23-4) s’interroge sur le rôle de la justice dans diverses affaires liées à l’environnement :

            Un tribunal refuse l’autorisation de mise en marché d’un désherbant au motif qu’il contient du glyphosate, et cela en dépit de l’avis de l’ANSES (agence nationale de sécurité alimentaire) qui l’avait estimé sans danger. Mais comment juger de la compétence d’un juge en la matière, sachant que l’ANSES ne rend ses avis que sur la base de la consultation de scientifiques réputés. Le pouvoir judiciaire sortirait il de ses limites ?

C’est la même question que pose The Conversation, mais en sens inverse : Dans « l’affaire de la Grande-Synthe » le Conseil d’État avait rendu deux arrêts, en novembre 2019 et juillet 2020, pour obliger l’administration a appliquer certaines mesures en vue de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. La non-application de ces mesures devait entraîner la perception d’une astreinte. Un nouvel arrêt, en 2023, constate que les deux premiers n’ont pas été suivis d’effet. En conséquence, il supprime l’astreinte…  The Conversation (7-23-4) s’insurge contre l’idée que le Conseil d’État puisse ainsi se déjuger en l’espace d’un ou deux ans, et s’incliner devant les décisions de l’Administration. En tout cas, cette décision met en cause la volonté des juges de faire pression sur les gouvernements pour qu’ils respectent leurs engagements en matière climatique, comme les y incitaient les derniers rapports du GIEC.

Dans les deux cas, la question qui se pose est celle des rapports entre les pouvoirs administratif et judiciaire… Une grave question, qui pourrait donner lieu à des discussions au sein de Contrat Social …

L’Afrique

            Les coups d’état

Après la série de coups d’État en Afrique, et le développement des sentiments anti-français qui, aux dires de la presse, s’y manifestent, il était difficile de ne pas en dire quelques mots ici.

Dans Contrepoint, Pierre d’Herbès (11-4-23) nous invite à nuancer la gravité de ces coups d’État dans chacun des pays en cause : Les motivations tout comme les conséquences varient d’un endroit à l’autre. De même, le « sentiment anti-français » n’est sans doute pas aussi général qu’on le croit. Cela dit, il est vrai que ce sentiment est encouragé par les évolutions récentes de l’Afrique, en particulier les « réseaux sociaux » qui se développent très vite, et sont trop souvent manipulés par les Russes ou les Chinois, même s’ils atteignent surtout les populations urbaines, laissant souvent de côté les masses rurales. 

Et cette situation résulte d’erreurs incontestables des gouvernements français successifs, comme essaient de le monter Pierre Clairé et Jean-Claude Tchikaya dans Atlantico (  8-23-4). Selon eux, les Français ont beaucoup trop essayé de profiter de la corruption et des défauts classiques des régimes africains. Ils devraient essayer de rétablir un véritable libre échange, permettant aux entreprises locales de développer sans obstacle…C’est sans doute vrai… Mais il faut quand même souligner que beaucoup d’actions « colonisatrices » telles que le « coton CFDT », qui visaient à développer non seulement la culture du coton, mais aussi, indirectement, celle des cultures vivrières, et qui était fort populaires, ont été sabotées par des règles de l’OMC, et par la Banque Mondiale… Peut-être, alors, la France s’est-elle déconsidérée par sa soumission à ces diktats internationaux plutôt que par son action propre…

L’esclavage

En même temps, la France n’a sans doute pas su gérer sa communication. C’est sans doute le cas avec la question de l’esclavage évoquée par Julien Vincent dans Le Monde (10-23-4). Personne, à l’heure actuelle, ne défend plus l’esclavage. Mais la question est celle de « l’indemnisation » et du pretium doloris qui serait dû aux descendants des anciens esclaves. De ce point de vue, les choses ne s’arrangent pas avec les mea culpa périodiques des chefs d’État occidentaux : s’il y a un coupable, il doit compenser les victimes quoiqu’il arrive… Ce raisonnement est imparable ! C’est celui du Monde ! Pourtant, d’abord, si les états esclavagistes ont au moins une part de responsabilité, ils ne sont pas seuls : beaucoup de roitelets africains y ont aussi participé à l’époque, en fournissant la « matière première » indispensable aux négriers. Par ailleurs, quand on voit maintenant les sommes que dépensent les migrants pour traverser la Méditerranée à la nage, on se dit qu’après tout, il y aurait peut-être lieu de réclamer aux « afro-américain » le prix du passage de leurs ancêtres par-dessus l’Atlantique… Tout ceci est absurde ! Les victimes de ces actes sont mortes depuis longtemps, et leurs héritiers ont « fait leur vie ». Cependant, cet argument reste récurrent dans la presse….

L’africanisation du monde

            Cependant, au-delà de la « culpabilité des nations occidentales dans la colonisation et l’esclavage, un autre sujet de préoccupation  se manifeste : l’africanisation du monde, évoqué par Contrepoint (9-23-4) ;  selon cet auteur en effet, alors que jusqu’à tout récemment, l’Afrique était considérée comme un continent vide, juste exploité par les esclavagistes arabes ou américain, et donc incapable de jouer un rôle culturel ou politique, du fait de la croissance de sa population, elle devient un acteur majeur de l’Humanité, et sera bientôt une puissance incontournable… De fait, les émigrés africains jouent un rôle de plus en plus important dans le paysage culturel occidental, et ce n’est qu’un début. Bien sûr, la pauvreté du continent est un obstacle, mais il serait naïf de croire que son développement va ralentir le flux migratoire, car, contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les plus pauvres qui émigrent…Il faut donc s’attendre à être dominé par une diaspora africaine de plus en plus ambitieuse…

            Peut-être tout ceci est-il une mauvaise histoire pour faire peur… on verra bien !

Questions de société

 L’école

            En cette période de rentrée, il est difficile de ne pas parler des drames qui se nouent autour de l’école.

            Le Figaro (14-23-4) sous la plume de Judith Weintraub, fait état du témoignage, il faut dire assez ahurissant d’une enseignante sur son métier : il faut le lire pour en saisir tout le sel. Mais il est clair que l’éducation nationale est tout de même mal partie !

Dans un autre ordre d’idée, le discours de Mathias Vicherat, nouveau directeur de Science Po, dans Ouest France (15-23-4)  est tout de même intéressant, même s’il est entièrement axé sur la résonance médiatique de son école (qu’il veut « d’excellence » Horresco referens !) sans doute au détriment des sciences fondamentales à enseigner dans une institution de ce genre, comme l’Histoire, le Droit ou  l’Économie. Je ne suis pas sûr qu’il aurait été suivi par René Rémond !

Enfin, il faut encore mentionner un article de Pierre Robert dans Contrepoint (12-23-4) qui déplore l’illettrisme des Français en économie (il a sans doute raison !) mais en plaidant pour un enseignement dès le primaire de notions qui étaient autrefois considérées comme de mathématiques : une fermière va vendre ses oies à 50€ pièce. Chaque oie lui coûte 20€ à produire.  Combien doit-elle en vendre pour obtenir les 600 € dont elle a besoin ?.... Nous sommes évidemment loin des controverses sur l’imperfection des marchés !... et encore moins sur l’exploitation du prolétariat !

            Les banlieues

            Les problèmes des banlieues, source de troubles et d’insatisfaction, restent hélas toujours d’actualité. Nous signalerons ici un document un peu provocateur paru dans Hérodote (16-23-4), intitulé 2023 vu par un historien du Moyen Âge : Le regard d’Ibn Khaldoun sur Prigojine et les banlieues françaises. Naturellement, on ne voit pas de prime abord quel rapport peut-il y avoir entre le célèbre historien arabe du 14e siècle, le condottiere russe et nos banlieues. C’est que, selon Khaldoun, l’un des moteurs de l’histoire de son temps fut la « sédentarisation » des nomades, une conséquence du progrès technique agricole, qui créa de nombreuses petites communautés locales, plus ou moins indépendantes et rivales. 

De nos jours, dit l’auteur, Gabriel Martinez-Gros, le progrès technique lié à l’urbanisation conduit à faire émerger d’innombrables petites communautés indépendantes dans certaines parties du territoire et de la population. Prigogine en vient, qui s’était fait sa petite armée à lui, les casseurs de banlieues aussi, qui dénient toute autorité à l’État français…  Cependant, ce mouvement d’autonomisation a ses limites, plus fortes en Russie qu’en France : Prigogine n’avait pas de position de repli, et s’est vu abandonné par ses troupes qui partageaient l’idéologie de la force brutale avec l’ensemble des Russes. Les casseurs de banlieue se réfugient dans une foule d’idéologies variées, l’Islam, le Djihad, la Révolution.. grâce auxquelles ils peuvent refuser toute autorité à ceux qui ne les partagent pas…et donc, la situation est finalement  pire chez nous qu’en Russie… .

            C’est là sans doute là une vue un peu rapide des choses, mais intéressante, et qui fait réfléchir.

Plus concrètement, David Fayon et Pierre Beyssac, dans Atlantico (17-23-4) s’interrogent sur les meilleurs moyens de réguler les réseaux sociaux sans tomber dans les défauts de la censure. Une loi est en préparation, qui envisage de bloquer les sites pornographiques sur Internet, ou le bannissement d’un compte auteur de fake news. Mais qui décidera de ce qui est une fake new ? Faudra-t-il aussi interdire les « climatosceptiques » comme il en est question ?

De même, dans The Conversation (13-23-4), Anne Charlène Bezinna s’interroge sur les rapports entre Justice et Police, mis à mal par les récentes décisions de justice visant à mettre en cause certains policiers. Elle ne se place pas dans l’émotion (comme ce fut le cas lors des dernières émeutes, lors de la mise en détention d’un policier, sur la base du « un policier n’a pas sa place en prison avant d’être condamné ») mais sur la constitution : les policiers ne sont pas au-dessus des lois, les juges sont indépendants… Cependant la constitution elle-même reste ambiguë : Le garde des Sceaux est tout de même le supérieur hiérarchique des juges, ce qui est contraire à leur indépendance, le policier fait respecter, mais doit respecter la Loi… les choses sont moins simple que le croit l’opinion ! Reste que les policiers, quand on leur envoie des pavés, sont en état de légitime défense !...

Enfin, sur cette question, un dernier article – mais non le moins important ! - vient encore de The Conversation (19-23-4). Interview croisé de quatre sociologues, il s’efforce, à partir d’enquête sur le terrain, d’analyser les raisons profondes des mouvements sociaux que nous connaissons actuellement. Bien sûr, ces raisons sont complexes, et peut être les quatre auteurs en cause, trop influencés par leurs « cobayes » (les acteurs de ces désordres) sont-ils un peu partiaux. Ils attribuent l’essentiel du problème au fait que les jeunes qui y participent ne se sentent pas « représentés ». Ce n’est pas tellement nouveau : c’était aussi le point de vue des manifestants du 14 juillet 1789 ! Cela met en cause, évidemment, la participation électorale (faible, parce que jugée inutile), mais surtout l’effondrement des syndicats, qui n’ont pas su attirer cette clientèle, et des associations, qui s’y essayent souvent maladroitement. Pour remédier à une telle situation, il faudrait donc trouver les moyens d’« intégrer » les jeunes banlieusards dans des organisations collectives qui les attirent. C’est plus facile à dire qu’à faire !

La démocratie

Au-delà des problèmes de banlieues, mentionnons encore un article de Alia Braley dans Atlantico (18-23-4) sur « les dangers pour la démocratie ». Il ne s’agit pas ici du risque associé aux émeutes et aux mouvements sociaux, mais plus généralement, de la qualité du débat politique « régulier » dont on déplore trop souvent la mauvaise qualité, alors même qu’un débat d’idées « honnête » serait nécessaire, comme on vient de le voir.

L’auteure remarque que les défenseurs de la démocratie dans un camp sont souvent portés à accuser leurs adversaires d’en miner les institutions, et que le mouvement est largement réciproque. Son analyse, cependant, est surtout focalisée sur les USA, ce qui simplifie sans raisonnement sans doute exagérément : en Europe, ne serait-ce que du fait de la multiplicité des partis il ne suffit sans doute pas d’expliquer le point de vue de l’autre au supporter d’un parti pour le convaincre que les antagonistes ne sont pas forcément tous des ennemis de la volonté du Peuple ! Il n’en demeure pas moins que l’accusation de saper la démocratie est un procédé efficace pour détruire l’adversaire dans n’importe quel débat politique. Il faudrait donc arriver à éradiquer cet argument… Un bel objectif pour Contrat Social !

L’Ukraine

            Terminons cette revue de presse par quelques mots sur l’Ukraine, en dépit du fait que les informations sur cette guerre qui devient de routine se font de plus en plus rares, du fait d’une certaine lassitude de l’opinion. 

            Faustine Vincent, dans Le Monde (21-23-4) fait état des pertes énormes subies par les deux armées en dépit du secret qui les entoure. Elle n’est cependant pas optimiste : finalement, lorsqu’un combattant est tué, son entourage, trop souvent, raisonne sur la base du « il faut continuer pour que son sacrifice, au moins, serve à quelque chose ».

            Et peut-être est-ce là que se trouve le secret de l’échec de la mutinerie de Prigogine, dont pourtant, Benoit Vitkine nous fait, toujours dans Le Monde (22-23-4) un portrait à faire frémir. Pourtant, au dire de cet auteur, il avait une vue assez juste de la situation : On est arrivés en Ukraine comme des bourrins. On a marché sur tout le territoire avec nos grosses bottes en cherchant des nazis. On a tapé sur qui on pouvait. On a avancé jusqu’à Kiev, on s’est chié dessus et on s’est retirés…. L’Ukraine a aujourd’hui l’une des armées les plus puissantes du monde…. Nous sommes dans la situation où nous pouvons tout simplement perdre la Russie…. Il est clair qu’un tel discours n’était pas admissible par Poutine. En même temps, on aurait pu penser que l’entourage de ce dernier comme les propres soldats de Prigogine auraient pu faire le même raisonnement. Il n’en a rien été, peut-être pour la raison qui vient d’être indiquée : il faut rendre utiles les sacrifices déjà faits…et Prigogine a été abandonné par ses troupes… 

            Enfin, il est aussi certain que l’Ukraine, face à la Russie, ne pourra vaincre sans aide extérieure. Or, justement, celle-ci pourrait donner des signes de fatigue, comme remarque Piotr Smolar, correspondant du Monde à Washington (20-23-4).  Il fait écho à de nombreuses sources américaines s’interrogeant sur l’opportunité de trouver une « solution politique » à ce conflit qui risque de s’éterniser. Et il est vrai que, cette fois, la logique précédemment évoquée du « sacrifice qui devrait servir à quelque chose » ne s’applique pas à l’opinion publique américaine… En sera-t-il différemment pour l’Europe, il est vrai plus proche du théâtre de l’opération, mais sûrement moins puissante… L’avenir nous le dira !

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            Au terme de cette Chronique, il reste à souhaiter bonne chance à Contrat Social et à ses membres. On le fera en évoquant encore un document publié par François Rousselle dans Contrepoint (22-23-4) sur les retraites, problème qui aura longtemps occupé notre Contrat.  François Rousselle est un écologiste de droite (cela existe !). Sans surprise, dans ce périodique qui n’est pas de gauche, il se refait l’avocat de la retraite par « capitalisation » (les sommes cotisées doivent être investies, pour créer des revenus qui serviront à payer les prestations le moment venu), ce qui est la version « libérale » (et non envisagé par le gouvernement) du système des retraites.

            C’est évidemment sans espoir dans l’ambiance actuelle. Par ailleurs, la capitalisation, chère aux libéraux, fait l’impasse sur tous les dysfonctionnements possibles du marché, et des risques de crises économiques qui sont tout de même une plaie récurrente des économies libérales. Car, évidemment, en cas de crise économique, et de faillites des entreprises bénéficiaires des « investissements retraite », l’épargne des malheureux cotisants sera perdue. Il est donc assez surprenant que, d’après l’auteur, 84% des Français soient désormais favorables à la capitalisation (il ne cite pas ses sources…).  Peut-être avons-nous perdu le souvenir des « vraies » grandes crises (comme en 1929) ? Ce serait une conséquence inédite et la preuve du succès des systèmes « étatiques » vilipendé par les libéraux !

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