23_3_6 Contrepoint – Une énergie abondante pour pallier le manque d’eau


19 avril 2023

André Pellen

Responsable des essais de première mise en service du groupe turboalternateur des tranches 1 et 2 du CNPE de Cruas, puis du service « modifications » de ce site, il a eu entre autres charges la gestion des effluents radioactifs liquides de l’ensemble du parc électronucléaire – au Département Sécurité Radioprotection Environnement (DSRE) – et la mise en œuvre du Plan d’Action Incendie (PAI) concernant également l’ensemble du parc. Il a fait partie de l’Équipe Nationale de Crise d’EDF.



En vertu du célèbre constat de Lavoisier, l’eau ne se perd ni ne se crée, ici-bas, sa quantité est rigoureusement constante depuis la nuit des temps où on la trouve sous la forme liquide et sous la forme vapeur, selon ses conditions physiques. L’élément indispensable à la vie et au développement économique de l’humanité peut certes être décomposé en oxygène et en hydrogène, mais l’un et l’autre gaz sont très largement condamnés à redevenir H2O à plus ou moins brève échéance. Sur environ 70 % de la surface du globe terrestre, la présence d’eau occupe un volume supérieur au milliard de km3, tandis que l’Homme a besoin d’en user environ 1500 km3/an pour ses divers usages.

À première vue, cette considérable différence est plutôt rassurante. Hélas, 97,5 % de cette eau est saline ou saumâtre et 70 % des 2,5 % disponibles sont sous forme de glaces, en Antarctique et au Groenland. Pour ne rien arranger, une grande partie de la fraction restante se trouvant dans l’humidité des sols et dans les nappes profondes, la fraction d’eau effectivement disponible pour une utilisation directe par l’Homme est seulement de l’ordre de 0,007 %, soit 70 000 km3 environ.

La prodigalité du cycle de cette eau disponible est très inégalement répartie sur la planète, tant géographiquement que temporellement, selon les caprices d’un climat erratique au moteur non modélisable. Donc, pour faire face à des besoins biologiques et économiques croissants, l’humanité ne tardera plus à se trouver dans l’obligation de recycler localement et/ou régionalement les eaux usées et à plus grande échelle de dessaler l’eau mer et les eaux saumâtres. Pour ce faire, des solutions technologiques, attractives économiquement parlant, existent déjà, vrais outils d’un authentique développement durable.

Il n’aura pas échappé aux personnes averties dont les gouvernements français semblent de plus en plus dépourvus depuis près de 30 ans que les changements de phases d’une eau bue et excrétée par des générations d’humains, depuis les lointains ancêtres de l’Homme de Neandertal, mettent en jeu des énergies considérables. Il en va a fortiori de même de la dissociation en gaz de cette eau et, comme nous allons le voir, de son recyclage et de son dessalement. S’agissant du recyclage, les niveaux requis de la qualité d’eau à obtenir selon son usage appellent une gradation du traitement partant de la méga station d’épuration et pouvant aller jusqu’au kit individuel de production d’eau potable.

Cependant, toutes les technologies utilisées ont en commun d’être énergivores.


La potabilisation des eaux usées par osmose inverse ou par nanofiltration
L’osmose est un phénomène naturel se manifestant lorsqu’un liquide dilué et un liquide concentré sont séparés par un membrane semi-perméable dont la caractéristique est de laisser passer un type de molécule et pas les autres. L’eau diluée diffuse à travers la membrane vers l’eau salée. Le niveau d’eau salée augmente. À l’équilibre, la différence entre les niveaux « eau douce » et « eau salée » mesure la pression osmotique ; cette dernière dépendant de la différence entre les concentrations en sels des deux liquides.

Si, par contre, une pression supérieure à la pression osmotique est appliquée sur la partie contenant l’eau concentrée en sels, le processus inverse est observé : l’écoulement à travers la membrane se fait dans le sens contraire et les molécules d’eau passent du côté concentré au côté eau dilué, la perméabilité sélective de la membrane empêchant toute migration des molécules de sel.



Dans le cas du dessalement de l’eau de mer, la pompe haute pression doit fournir une pression osmotique de 25 bars.

On ne s’attardera pas à détailler ici les caractéristiques et le fonctionnement de ces dispositifs de très hautes technologies, notamment en ce qui concerne les membranes (à fibre creuse, à spirale…), mais il est très important de mentionner que sur les théâtres de guerre irakiens et syriens, l’armée française sauva de la mort des populations locales au moyen de kits d’osmose inverse et de nanofiltration équipés de dispositifs UV. Demain, ces kits seront probablement détenus par tout un chacun pour usage domestique.

L’énergie électronucléaire pour alimenter les stations de dessalement d’eau de mer et les stations d’épuration

Le schéma ci-après dit mieux qu’un long discours pourquoi l’énergie électronucléaire finira par supplanter toutes ses rivales, quelles que soient les technologies assez semblables retenues pour le dessalement et pour l’épuration.




Ces procédés réclament de l’énergie sous forme d’une chaleur et d’une électricité que la centrale nucléaire est en effet seule capable de fournir rentablement à l’échelle de production bientôt requise, séparément ou simultanément, moyennant une adaptation technologique des tranches actuelles consistant à pondérer la distribution d’énergie primaire entre chaleur, ce qu’elle est déjà, et production d’électricité.

Les trois raisons ci-après expliquent l’inéluctabilité de l’installation progressive de l’industrie du dessalement de l’eau de mer :

a) Les réserves disponibles d’eau de mer sont immenses.
b) La chute du coût de dessalement est régulière.
c) Le dessalement est en mesure de répondre aux besoins croissants des usages domestiques, industriels, agricoles et à la nécessité de traiter les eaux usées.

Dans ces conditions, rien de surprenant à ce que le marché de dessalement soit en plein développement, affichant un taux annuel de croissance de l’ordre de 7 %.
Pour accéder à un point de vue plus large de la question, le lecteur est vivement invité à consulter l’article intitulé « L’esprit E = mc2 à la manœuvre de l’économie circulaire ».

Nécessité de « produire » de l’eau en vue de la « consommer » ?

Les éminents hérauts du « Plan eau » de diversion présidentielle semblent délibérément méconnaître le truisme scientifique sans doute le plus ignoré de tous, selon lequel, sur cette planète, aucune créature n’est en situation de « produire » ni de « consommer » de l’eau.

Non seulement toutes en sont largement constituées sans y être pour grand-chose, mais toutes ne peuvent en être que les usagers. Ce que l’idéologie environnementaliste aujourd’hui dominante a intérêt à faire passer pour une raréfaction irréversible de l’eau, à compenser donc par une moindre consommation, n’est que son absence plus ou moins longue durant la phase évaporation-condensation, hélas combinée à un déplacement erratique de cette dernière anormalement durable ces dernières décennies.
Mais la quantité globale de cette eau terrestre, anarchiquement distribuée dans la période présente, demeure intacte. Ne reste donc à ses usagers qu’à aller la chercher là où elle se trouve principalement et partout où elle subsiste momentanément, après usage. Dans les deux cas, une production énergétique considérable va être de plus en plus requise dont on ne voit pas ce qui peut être en mesure de la fournir à des conditions économiques décentes, en dehors du nucléaire.

Au demeurant, ceci tombe on ne peut mieux car pour exploiter le principal gisement d’eau planétaire, la France métropolitaine dispose de 5850 km de côtes harmonieusement réparties autour de son territoire, ne laissant que l’embarras du choix des lieux d’implantation de nouveaux sites nucléaires. Cerise sur le gâteau, les tranches de ces derniers seront refroidies à l’eau de mer, épargnant à nos fleuves les prétendus préjudices quantitatifs et qualitatifs que subiraient leurs eaux depuis 40 ans.

À ce propos, L’auteur de ces lignes se fait fort de démontrer aux accusateurs qu’une tranche de 900 MW en circuit ouvert n’a besoin que de 1 m3/s d’eau pour être refroidie et qu’en circuit fermé, elle n’évapore – et non ne consomme ! – que 2 à 4 m3/s par ses tours aéroréfrigérantes. Quant à la dégradation thermique et chimique de l’eau, en aval de toute installation nucléaire, il est largement notoire qu’elle est sévèrement règlementée, surveillée et même sanctionnée, le cas échéant.
Ainsi, réalise-t-on une fois encore, à la faveur de la présente réflexion, que de l’eau au rayonnement solaire, en passant par le vent, il n’y a rien de plus onéreux que ce qui est réputé naturellement gratuit…



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