Chronique sociétale 2023 -1

Contrat social

Chronique Sociétale 2023-1

Les numéros en italiques renvoient aux titres des documents qui seront prochainement publiés sur le site internet de Contrat Social et réservés aux membres de l’association

Les grands chapitres de cette chronique, hélas, ne se renouvellent pas beaucoup : les retraites, l’Ukraine, le climat, les sources d’énergie. ... On notera toutefois que l’  « écologie » ne se focalise plus complètement sur les émissions de gaz à effet de serre, mais que, suite à la « cop15 » elle ouvre un nouveau front avec la «  biodiversité ».On terminera cependant par la revue d’une série d’articles sur l’opinion publique et son évolution récente qui ne manque pas d’intérêt.

LES RETRAITES

Tout ayant été dit sur le dilemme « capitalisation » ou « répartition », nous n’y reviendrons pas, même si les articles sur le sujet foisonnent dans la presse de ce quatrième trimestre 2022. En revanche, il faut signaler une approche un peu nouvelle du problème : que font les retraités ? C’est le sujet traité dans The Conversation (2023-1-1) par trois jeunes chercheurs en sciences sociales qui ont enquêté auprès de 3500 « jeunes retraités » (moins de 75 ans) pour savoir comment ils vivaient leur retraite.

« Les entretiens réalisés témoignent... d’une porosité croissante entre travail et retraite : la période de retraite est de moins en moins considérée en opposition par rapport à celle du travail. Qu’il s’agisse des personnes reprenant une activité professionnelle ou simplement s’engageant dans une activité quelconque, leur point commun est de souhaiter travailler différemment, en gardant la maîtrise de leur temps et rythme de travail ». Contrairement à la vision comptable standard, le temps de la retraite n’est donc pas perdu pour la société, et ce point mériterait d’être approfondi.

Le dynamisme des jeunes retraité, cependant, comporte aussi un effet pervers : « en contribuant à occulter le grand âge... les nouvelles générations de retraités alimentent elles-mêmes une forme de jeunisme dans la société considérant que la vie ne vaut la peine d’être vécue que si l’on est jeune et en bonne santé. » De la sorte, les EPADH font figure d’instruments de terreur, et une forte majorité se prononce en faveur de l’euthanasie et du « suicide assisté ».... Cela « mérite d’être réinterrogée sur le plan éthique, à moins que l’élimination des plus de 75 ans soit considérée comme un avenir souhaitable comme le propose de façon très cynique le film japonais primé à Cannes en mai dernier »....

Incontestablement, tout ceci mérite réflexion, et nous y reviendrons...

L’UKRAINE

Bien sûr, la situation en Ukraine, avec cette guerre invraisemblable, a fait l’objet de très nombreux articles dans la presse ce trimestre. Le plus étonnant est qu’il ne se passe rien (ou presque) sur le plan militaire, sinon un massacre permanent et gratuit...

C’est pourquoi la presse s’attache à rechercher les voies de sortie d’une situation aussi absurde. Tout le monde semble persuadé que « Poutine est fini », comme le dit Atlantico Business (2023-1-2) qui affirme qu’aucun dictateur n’a jamais pu survivre à un échec militaire doublé sur le plan économique par une inflation galopante. Ce même article essaie de deviner ce que pourrait l’  « après Poutine ». « Personne n’est capable a priori d’établir un calendrier de ces évènements, mais ça peut aller très vite. Beaucoup pensent que la prochaine réunion du G20 pourrait être une occasion d’accélérer le cours de l’histoire. Le prochain G20, qui réunit les 20 chefs État et de gouvernement les plus puissants du monde, aura lieu à Bali les 15 et 20 novembre 2022 » affirme ce périodique dans un article publié le 5 novembre dernier. Nous sommes aujourd’hui en janvier 2023, et rien ne s’est encore passé ... La prévision est un art difficile !

De fait, si beaucoup d’articles, comme celui de Agathe Desmarais dans Atlantico (2023-1-4) soulignent que les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie sont plutôt plus efficaces qu’on le croit, d’autres comme celui d’ Alexandre Massaux dans Contrepoint (2023-1-6 ) sont plus sceptiques et se demandent au contraire si les sanctions ne contribuent pas en fait à accroitre les bénéfices du commerce russe avec les autres parties prenantes que celles de l’alliance occidentale. En tout cas, il est certain que l’opinion publique Russe évolue, quoique lentement, comme le montre l’article de Sergej Sulemny dans Contrepoint : Les critiques concernent aussi bien l’armée, dirigée par des imbéciles, que Poutine lui-même, qui n’a pas pris de distance avec son entourage. Cependant, ces critiques ne signifient pas forcément une « capitulation en rase campagne : Celles développées et répandues par Prigogine, le « propriétaire » de l’armée privée du « groupe Wagner » iraient plutôt dans le sens d’un durcissement de l’offensive...

Plus intéressants peut être sont les articles qui s’efforcent de comprendre les raisons de cet échec lamentable de l’armée Russe. Si beaucoup en souligne la médiocrité et surtout celle de son commandement, The Conversation (2023-1-3) sous la plume de Andrei Kozovoï incrimine les services de renseignements, qui n’auraient pas prévu la capacité de réaction de l’armée Ukrainienne, et auraient oublié toutes les techniques d’agitprop susceptibles de modifier l’opinion publique ukrainienne. En tout cas, le général Besseda, chef des services Russes en Ukraine, « démissionné » comme un malpropre, aurait fait les frais de l’opération...

Enfin -mais c’est de l’Histoire, pas de la prospective - il vaut la peine de jeter un coup d’œil sur l’article de André Laramé dans Hérodote (2023-1-7) expliquant « comment l’Occident a fabriqué un monstre » : Il montre comment l’OTAN, même en situation de « mort cérébrale » a tout fait après la chute du mur de Berlin, pour envenimer les choses entre les composants de l’ex-URSS. Et, bien sûr, sans le moins du monde chercher des excuses à Poutine, on ne peut qu’être impressionné par le nombre et l’ampleur des provocations gratuites de cette institution vis à vis d’une Russie qui avait pourtant perdu la plupart de ses dents...

LE CLIMAT

Bien sûr, les questions climatiques donnent toujours lieu à des provocations militantes. Les dernières concernent l’exigence d’interdire les voyages en avions à réaction privés, discutée par Marie Adélaïde Sigaz dans un billet de France Télévision (2023-1-9 ) : Evidemment, la pollution de ces appareils représente peu de chose vis-à-vis des émissions totales de gaz à effet de serre, mais les gens les plus riches devraient donner l’exemple, et peut-être, voyager en bateau à voile.... Le plus surprenant dans cette affaire est la participation active de « scientifiques » qui sortent alors de leur domaine en s’immisçant dans une discussion qui concerne la morale...

Plus sérieuse est l’analyse de Audrey Garric, du journal Le Monde, à propos des rapports entre « pays riches » et « pays pauvres » en ce qui concerne le réchauffement climatique (2023-1-10). De fait, les « pays riches », à PNB par tête élevé, sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, donc les principales causes du réchauffement climatiques, cependant que les pays pauvres - en particulier ceux qui se situent près de la mer sur des littoraux peu élevés, et qui risquent de se trouver inondés par la montée du niveau des mers liée à la fonte des glaciers continentaux - se trouvent souvent en être les victimes. Il est donc normal que les premiers indemnisent les seconds pour cela. Ce point est depuis longtemps en discussion aux Nations Unies, et en particulier lors des réunions des « COP » successives, dont la dernière (COP 27) s’est tenue à Charm el Cheick en Egypte ce trimestre. Audrey Garric fait le point sur les méandres bureaucratiques auxquels peuvent conduire une telle idée, en particulier parce que, en échange de ces indemnisations, les pays pauvres devraient s’engager à supprimer toute utilisation de combustibles fossiles... . La conclusion majeure est que les Pays Pauvres ont toutes les chances de passer à côté du pactole...

L’ENERGIE

Ici, les références se bousculent, tant la question est passé au premier rang des préoccupations depuis la guerre en Ukraine. Le fait nouveau -une révolution ! - est que le « nucléaire » se découvre avoir beaucoup des qualités et presqu’aucun des défauts qui lui étaient prêtés, comme l’admet (avec difficulté !) François de Ravignant dans Alternatives Economiques (2023-1-13) . En même temps, les « renouvelables » (les éoliennes et les panneaux solaires...), même si elles représentent un pactole pour les finances publiques, comme le montre Justin Delepine dans Alternatives Economiques (2023-1-14) n’ont pas tous les mérites que l’on en attendait comme l’affirme Remy Prudhomme dans Atlantico (2023-1-15), qui regrette que la France se soit ainsi faite piégée par l’Allemagne. En vérité, on se demande pourquoi notre pays n’a pas poursuivi sa politique énergétique si bien engagée à l’époque de Giscard d’Estaing.... L’explication ne viendrait-elle pas justement des campagnes alimentées par les contributeurs de périodiques comme Alternatives Économiques ?

Alternatives économiques, cependant, se rachète aujourd’hui avec un article tout à fait intéressant de Mathieu Jublin sur le lithium (2023-1-12) : Le lithium est un métal rare, indispensable en petite quantité pour le fonctionnement des batteries nécessaires à tout véhicule électrique, quelle que soit l’origine de l’électricité consommée. Les besoins mondiaux en lithium explosent avec la mode des véhicules électriques (et même si peut être les technologies à base d’hydrogène pourraient permettre de s’en passer, remarque de l’auteur de ces lignes...). Actuellement, les fournisseurs mondiaux de lithium sont rares, et pourraient profiter de la situation... Or, on vient d’en trouver en Auvergne, dans l’Allier !

Hélas, les projets d’exploitation pourraient mettre à mal une forêt ! D’où un imbroglio politico-juridique qui embarrasse fort les écologistes, pris entre l’amour de la forêt et la nécessité du lithium comme complément indispensable de tout système énergétique récusant les énergies fossiles...

Reste que, comme l’indique André Larané dans Hérodote (23-1-16), quelles que soient les politiques mises en œuvre, la consommation mondiale d’énergie fossile continue à augmenter, ce qui met à mal toutes les grandes résolution des conférences internationales qui se succèdent sur le sujet... Il conclue : « La lutte contre le dérèglement climatique, plus que jamais cruciale, réclame un projet de société véritablement politique. Dans un essai publié en 2020 (Le Climat et la vie, une écologie de la liberté), j’ai ainsi évoqué des dispositions incitatives destinées à réduire très vite nos besoins en énergie avec un gain de bien-être. Elles visent à promouvoir une « sobriété choisie » (ne plus avoir besoin d’une voiture ou envie d’un séjour aux antipodes) plutôt qu’imposer une « sobriété contrainte » (payer chacun, chaque année, plus de 1000 euros de taxes pour des éoliennes sans profit pour notre bien-être). ». Souhaitons qu’il ait raison !

L’ECOLOGIE

L’écologie politique (à distinguer de l’écologie scientifique) généralise les réflexions précédentes à d’autres domaines que l’énergie. Ce trimestre, avec la « COP 15 » (Conférence of parties) qui se tient à Montréal, la « biodiversité » passe au premier rang des préoccupations.

La biodiversité, c’est la variété et la diversité des espèces animales et végétales présentes dans un endroit donné. Elle est en péril, nous disent les écologistes politiques, et c’est dramatique comme le dit Le Monde (23-1-18) . Les écologistes scientifiques sont souvent moins affirmatifs, admettant volontiers que certaines espèces peuvent disparaître, mais que d’autres peuvent apparaître, comme cela s’est fait au cours des temps géologiques.

La COP15 avait pour objet de trouver les moyens de conserver la biodiversité au moins telle qu’elle est actuellement. France Info (23-1-17) donne tous les détails sur ces négociations à visée médiatique. The Conversation (23-1-21) développe un intéressant point de vue sur l’idée ‹(déjà mise en œuvre pour les « crédits carbone ») d’introduire en quelque sorte la biodiversité dans l’économie de marché en permettant à un « pollueur » d’acheter le « droit de polluer » (en l’espèce le droit de détruire une espèce) à une entité « vertueuse » (qui aurait fait quelque chose pour accroitre la biodiversité), la somme des deux action se trouvant dès lors être nulle. La difficulté, alors, est celle de mesurer la biodiversité, ce qui n’a rien d’évident.

Cependant, ces discussions internationales ne sont que l’un des aspects de l’écologie politique actuellement. L’autre aspect est militant et semeur de désordre. Ainsi, Figarovox (23-1-16) dénonce-t-il le saccage des tableaux de maître dans des musées, saccage destiné à créer un scandale pour attirer l’attention du public sur les questions « écologiques ». Valeurs actuelles (23-1-22) s’indigne du sabotage des « bassines », ces réservoirs d’eau construits par les agriculteurs pour avoir la possibilité d’irriguer en période sèche, par des militants irresponsables. Il est vrai que ces actions représentent des insultes à la Loi et à la Démocratie...

Enfin, dans ce dernier ordre d’idée, on pourra lire Terrestre (23-1-20) qui fait l’histoire du mouvement écologique, et en trouve l’origine dans le Nazisme, qui, en effet, prônait le retour à la Nature, et la sélection naturelle entre les races.... .

LA JUSTICE

Ce trimestre aura aussi été marqué par quelques dérapages de la Justice.

Un petit périodique local, Hydrauxois (23_1_11) part en guerre contre une décision du tribunal administratif de Grenoble annulant une décision préfectorale d’autoriser la construction d’une centrale électrique hydraulique. Un tel arrêt conduit à l’obligation de détruire un ouvrage qui devait être inauguré le mois prochain, à un moment où tout le monde craint des coupures d’électricité faute de production...

La stigmatisation du tribunal de Grenoble, ainsi que de France Nature Environnement (l’auteur du recours) n’est pas totalement justifiée : Dans cette affaire, le tribunal s’appuie sur des imperfections bien réelle du dossier d’instruction en face des exigences imposées par la Loi en la matière, Il ne pouvait sans doute pas statuer autrement. Ce qui est en cause, en revanche, c’est la Loi elle- même : D’abord, la « biodiversité » est une belle chose, mais les moyens que la Loi impose pour la préserver sont peu efficaces (il est peu vraisemblable qu’une nouvelle usine hydroélectrique conduise à une extinction d’espèce, tout juste à quelques perturbations dans les habitudes de quelques plantes ou animaux à l’échelle locale). Ensuite, on se trouve ici en face de ce type de situation où les exigences de la Loi conduisent simplement à la paralysie de toute décision....

Et pendant que le tribunal administratif de Grenoble s’enlisait dans la biodiversité, le procureur de Paris, Laure Beccuau, dans Le Monde (23-1-23) , s’inquiétait d’un phénomène sans doute plus grave , l’infiltration de nos institutions par des réseaux criminels.

De fait, les réseaux criminels, en particulier ceux qui acheminent la drogue du producteur (en général, un petit agriculteur sud-américain) au consommateur, tendent à devenir de véritables « multinationales » qui ne se contentent pas de collecter et de transporter, mais qui s’emploient aussi à élargir leur marché par tous les moyens de propagande possibles. On se trouve donc devant un phénomène qui rappelle celui de la « maffia » en Italie, et c’est assez grave. En particulier, en dépit d’instruments très sophistiqués (la description des systèmes d’écoutes téléphoniques de messageries cryptées est impressionnante), les agences spécialisées dans la lutte contre la drogue ne parviennent pas à enrayer le système. Peut être faudrait-il renforcer les systèmes répressifs existants… ou faire des efforts d’éducation, car, après tout, il devrait être possible de convaincre nos contemporains des dangers de la drogue…

LA SOCIÉTÉ

Sur les grandes questions de société, on notera ce trimestre deux contributions intéressantes :

Dans Alternatives économiques , Florence Jany-Catrice (23-1-24) s’élève contre l’uniformité du recrutement des enseignants dans les universités d’économie. Si vous n’êtes pas « mainstream », vous n’avez aucune chance d’être reçu à l’agrégation... Et elle déplore les conséquences dramatiques de ce conformisme intellectuel des élites économiques sur la gouvernance de notre pays.

Elle n’a sans doute pas complètement tort. Cela dit, sa charge contre les institutions actuelles serait plus crédible si les auteurs qu’elle dit « opprimés » n’avaient pas eux-mêmes, quelques années plus tôt, fait régner la terreur marxiste sur l’université française. Quiconque ne connaissait pas les différences subtiles entre le livre I et le livre II du « Capital » n’avait que très peu de chances de promotion... Et bien avant encore, l’usage des mathématiques en économie était dans le collimateur, témoin l’aventure de Gérard Debreu, dont la thèse de mathématiques économique ne faisait que 120 pages (et lui valut ultérieurement un « prix Nobel »), fut refusée par la faculté de droit et d’économie de Paris, au motif qu’une thèse doit avoir au moins 300 pages...

Nous sommes là en fait devant une tare ancienne et bien regrettable de l’université française qui mériterait sans doute beaucoup plus de réflexions...

Mais l’imposition du « politiquement correct ne s’arrête pas aux portes des universités de sciences économiques. Une première remarque à ce sujet concerne la fameuse question du voile islamique, qui revient périodiquement au premier plan des préoccupations. Ce trimestre, Guylain Chevrier, dans Atlantico (23-1-25), s’élève contre le « double-jeu » d’Emmanuel Macron en la matière, parfois semblant vouloir ignorer la question, parfois, au contraire, voulant la remettre au premier plan en coupant les vivres aux associations qui en font l’apologie. De fait, le pouvoir politique actuel semble surtout vouloir éluder la question, et rechercher l’apaisement. Et peut-être n’a-t-il pas tort, car, en ignorant le port du voile, il espère sans doute en supprimer l’effet provocateur, ce qui entrainera que le chose disparaitra d’elle-même...

EVOLUTION DES IDÉES

Enfin, on notera deux publications de fond sur le paysage intellectuel et l’évolution des idées contemporaines.

Une publication du Collège de France (23-1-28) revient sur le « wokisme », cette idéologie actuellement très courue aux Etats Unis, et qui déborde en Europe. S’agit-il d’une nouvelle religion ? Ce document un peu long, mais néanmoins fascinant, met en garde ses lecteur contre les dangers d’une assimilation de cette sorte. Et c’est une leçon de rigueur bien utile en matière de sciences sociales... En fait, le wokisme peut en effet avoir certains des caractères des religions, en particulier par son souci de recruter des adeptes, mais ce n’est en rien une religion, avec un clergé et des livres sacrés.

Toujours dans le même ordre d’idées, Marc-Oliver Bherer, dans le Monde (23-1-29) s’inquiète de la monté du catholicisme et de son influence sur la droite aux Etats Unis. En fait, son article, un peu long et un peu confus, est divisé en deux parties : la première s’inquiète de l’influence réelle des nombreuses « universités catholiques » outre Atlantique. La seconde rend un compte critique d’un congrès tenu quelque part dans le Middlewest où s’est illustré en particulier Adrien Vermeule, professeur à Harvard. Les thèmes récurrents sont d’abord un scepticisme vis à vis du libéralisme, libéralisme économique, certes, mais aussi libéralisme moral, avec des charges contre le droit à l’avortement et la propagande LGBT. L’horizon est alors un rejet de la démocratie parlementaire (soumise aux groupes de pressions et à des calculs égoïstes) pour la remplacer par une « dictature démocratique » qui ne gouvernerait pas sous la surveillance des partis...

Peut-on alors parler de mainmise de l’église catholique sur la droite américaine ? Ce serait certainement aller vite en besogne. En particulier, rien ne dit qu’un tel programme serait vu d’un bon œil par le Vatican. Par ailleurs, l’auteur de ces lignes connait tout de même quelques professeurs d’universités catholiques aux Etats-Unis qui ne sont pas du tout sur cette ligne, et sans que leur carrière en souffre pour autant. Il faut donc faire la part de l’exagération journalistique dans ce document, qui néanmoins révèle un aspect de l’intelligentsia républicaine souvent ignoré en Europe. Et bien sûr, c’est ce qui est intéressant dans ce document.

Ill nous faut terminer par un article de Johan Rivallan dans Contrepoint (23-1-30) sur le dernier livre posthume de Karl Popper, publié en français seulement en 2018 . Karl Popper (1902-1994) est un géant de la philosophie des sciences, et assurément une référence qui sera valable des siècles, au même titre que Descartes ou même Socrate. C’est une sorte de fanatique de la méthode expérimentale, qui ne croit jamais qu’une proposition est « vraie », mais seulement « pas encore réfutée ».

Dans le domaine politique, en conséquence, les analyses de Popper conduisent à réviser la question posée à tout démocrate : « Qui doit gouverner ? ». Elle « appelle des réponses autoritaristes comme « les meilleurs, « les plus sages », « le peuple » ou « la majorité » […] Il faudrait lui substituer une question tout à fait différente : « Comment organiser le fonctionnement des institutions politiques afin de limiter autant que faire se peut l’action nuisible de dirigeants mauvais ou incompétents – qu’il faudrait essayer d’éviter bien que nous ayons toutes les chances d’avoir à les subir quand même ? »

Et voilà qui devrait nourrir les réflexions de Contrat social....

Et enfin, pour couronner le tout, laissons la parole à France Info, auteur d’un sondage très inquiétant sur la façon dont les jeunes aujourd’hui perçoivent non pas la « Vérité Scientifique », mais l’information tout court, telle qu’elle est véhiculée par les médias : La proportion de jeunes qui perçoivent positivement la science a chuté de 22 % en 50 ans (sur la base de deux sondages similaires, l’un en 1972, l’autre en 2022). Selon ces sondages, 33% des jeunes actuels ont l'impression que la science apporte à l'homme "plus de bien que de mal", contre 55% en 1972. Ils sont désormais 17% à penser qu'elle apporte "plus de mal que de bien", en forte hausse si l'on compare à 1972 (6%). La proportion des jeunes qui estiment qu'elle apporte "à peu près autant de bien que de mal" stagne à 41% (+3 points depuis 1972). Ils sont 9% des jeunes à ne pas se prononcer, contre seulement 1% il y a cinquante ans.

Et l’occultisme tend à remplacer les théories scientifiques : Actuellement, 19% des jeunes estiment que "les pyramides égyptiennes ont été bâties par des extraterrestres". Ils sont 25% à penser qu'on "peut avorter sans risque avec des produits à base de plantes" ...

Naturellement, un tel résultat (ces conclusions seraient évidemment invalidées dans une approche Popperienne) n’est pas à l’honneur de l’enseignement moderne. Assurément, il pose un problème à la démocratie. Ici encore, de toute évidence, une association comme Contrat Social devrait avoir un rôle à jouer....


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