22_3_4 : LE MONDE – A l’heure de la guerre en Ukraine, une galaxie de soutiens à la Russie en Afrique

Gouvernants, opposants, militants panafricanistes sur les réseaux sociaux ou simples manifestants : à l’heure de la guerre en Ukraine, les soutiens au régime russe sont de plus en plus visibles en Afrique subsaharienne, un symbole du "soft power" croissant de Moscou sur le continent.

Militants africains et partisans de Poutine ou abonnés sur les réseaux sociaux qui se comptent par milliers, multiplient ces derniers mois les interventions « anti-impérialistes » et favorables aux actions du pouvoir russe.

« Il y a une prolifération de chaînes Youtube qui relaient des discours déstabilisateurs. Ils créent un fossé entre l’Occident et les régimes africains et servent ainsi les intérêts russes », estime Mahama Tawat, chercheur à l’université de Malmö en Suède.

L’influence russe en Afrique se traduit aussi dans les rues de Bamako, N’Djamena ou Ouagadougou, où des manifestants hostiles à la présence militaire française au Sahel ont brandi des drapeaux russes.Elle se matérialise aussi par des offensives médiatiques. Au Cameroun, la télévision « panafricaine » Afrique Média présente régulièrement des opinions pro-Kremlin dans le conflit avec l’Ukraine. « Guerre Ukraine Russie : comment le leadership de Poutine fait paniquer l’Occident ? », « Projet d’assassinat de Vladimir Poutine : jusqu’où peuvent aller les Occidentaux ? », font par exemple partie des sujets débattus sur la page Facebook du média.

Ce terreau populaire pro-russe, dont il est difficile d’évaluer l’ampleur, est appuyé par la bienveillance de certains gouvernements africains envers le Kremlin. L’analyse du vote de la résolution de l’ONU condamnant l’invasion de l’Ukraine, adopté à une large majorité, le 2 mars le montre : sur 35 pays abstentionnistes, seize sont en Afrique, auxquels il faut ajouter l’Erythrée qui a voté contre, et huit Etats africains qui n’ont pas participé au vote. « Dans l’ensemble », sauf rares exceptions comme le Sénégal, « ce sont soit des régimes autoritaires qui se sont abstenus, soit des pays qui ont des liens historiques, souvent militaires, avec la Russie depuis l’époque du bloc soviétique », analyse Mahama Tawat.

Certains gouvernements se sont même ouvertement tournés vers Moscou, comme en Centrafrique où le pouvoir a appelé la Russie à la rescousse, lors d’une offensive de groupes armés fin 2020. Des centaines de paramilitaires russes, des « mercenaires » du groupe Wagner selon l’ONU, sont venus renforcer ceux déjà présents dans le pays depuis deux ans.

Plus récemment, le Mali, qui a sommé les forces françaises de partir, a reçu des équipements militaires russes dont deux hélicoptères de combat, en vertu d’« un partenariat sincère et très ancien », selon l’armée. Bamako accueille également un grand nombre « d’instructeurs russes », encore des « mercenaires » de Wagner, selon la France et ses partenaires.

L’Afrique anglophone ne fait pas exception. En 2016, la Tanzanie et la Russie ont signé un accord de coopération militaire incluant l’entraînement de soldats africains dans des académies russes. En Ouganda voisin, le fils du président Museveni, le puissant général Muhoozi Kainerugaba, a récemment affirmé un soutien sans ambiguïté à Vladimir Poutine.

Pour asseoir son influence, la Russie n’hésite pas à déployer des discours différents selon le public visé. « Les récits xénophobes, anti-migrants et anti-musulmans sont produits à destination d’un auditoire européen, tandis que les appels à la décolonisation et à la fin de l’impérialisme occidental visent l’Afrique subsaharienne et le monde musulman », souligne un rapport de l’Institut français des relations internationale (Ifri).


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