Chronique Sociétale 2021-4

Les passages en italiques renvoient aux titres des documents publiés sur le site internet de Contrat Social et réservés aux membres de l’association.

Hélas, le COVID vient encore en tête des sujets à traiter ce trimestre, même si notre optimisme peu réaliste peut nous faire espérer que ce sera la dernière fois. Par ailleurs, l’actualité impose un mot sur le climat (avec la réunion « cop26 »de Glasgow, et la question subsidiaire des sources d’énergie). Enfin l’immigration méritera quelques remarques, car il s’agit évidemment d’une question de civilisation en constante évolution.   Ensuite, nous éviterons certains sujets « classiques » pour Contrat Social, comme les retraites, pour nous focaliser d’abord sur les questions internationales du moment (l’Afghanistan, le Sahel, l’Europe), puis des questions dites « de société » : d’abord, plutôt pour l’amusement, un mot sur le « néo marxisme », mais aussi sur la « garantie d’emploi ». Et surtout, le rôle politique des scientifiques, ainsi que celui des juges, ce qui peut poser un problème vis à vis de la démocratie …

Le COVID

            Bien sûr, il poursuit son chemin, avec un nouveau « variant » qui pourrait relancer toute la machine. En même temps, il serait facile de gloser sur les « nouveaux gilets jaunes » qui manifestent contre la vaccination (Manifestations anti- pass sanitaire… ; L’attitude réfractaire à la vaccination…). On peut discuter de l’utilité de fermer les écoles (Fermer les écoles était une erreur) et se lamenter sur la banalisation des mesures liberticides (Le tournant illibéral des libéraux…).

On se focalisera ici sur le Verbatim (quand les épidémies font l’histoire...) proposé par François Cornevin sur le rôle des épidémies. C’est le compte rendu d’un livre-chronique de François Baverez, « Quand les épidémies font l’histoire » (Editions de l’observatoire, 2021). Aux yeux de l’auteur, le bouleversement apporté à nos sociétés par la « surprise stratégique » que constitue cette épidémie est complètement majeur, remettant en cause notre libéralisme, au point que si nous n’en sortons pas convenablement, c’est le modèle dictatorial de la Chine qui deviendra le lot commun de toutes les nations.

Et pour s’en sortir, l’auteur propose des solutions au fond pas tellement nouvelles : supprimer la bureaucratie d’Etat, réduire les inégalités, défendre la liberté politique face aux djihadistes, imiter l’Allemagne, et quelques autres mesures de ce genre. C’est là, peut-être, que se trouve la principale faiblesse de cet ouvrage : ne rien proposer de tellement nouveau et rester dans le « politiquement correct ». Cela dit, on peut aussi penser qu’il exagère la monté du péril, et que, de ce fait, il fait le lit de frustrés du pouvoir qui risquent d’être pires que les présents détenteurs de cet instrument. Il reste que, en effet, l’épidémie pourrait être l’occasion de débloquer certains des verrous qui empêchent nos sociétés de progresser…

Le Climat

Quoique le sujet ne soit pas nouveau, la « conférence climatique » (dite « COP 26) qui s’est tenue à Glasgow cet automne remet cette affaire à l’ordre du jour. Elle semble avoir déçu beaucoup de monde.

Rappelons que cette conférence réunissait les dirigeants de la plupart des pays du monde, dans le but de concrétiser les engagements déjà pris, en particulier lors de la réunion analogue tenue à Paris en 2015.

En fait, comme le montre  Ronald Dantec, sénateur de Loire Atlantique dans Cop26 -Actions sur le terrain... , s’il y a eu quelques « avancées », comme le fait que les membres de la conférence s’intéressent aux émissions de méthane (un gaz à effet de serre très puissant, produit en particulier par les animaux ruminants), ou que l’idée d’une taxe carbone universelle ait tout de même suscité beaucoup d’intérêt, il n’en demeure pas moins que des pays comme la Chine ou l’Inde  ont renoncé à réduire leur consommation de charbon, l’une sources les plus préoccupantes en la matière.  Nous ne nous rapprochons pas, ou peu, par conséquent, de l’objectif affiché de réduire la croissance de la température moyenne de la Terre d’un ou deux degrés – en admettant que les mesures proposées mais non adoptées aient effectivement permis d’obtenir ce résultat.  Et bien sûr, tout cela ne peut que provoquer d’épouvantable désastres disent les militants « anti-réchauffement ».

En face d’une telle situation, que faire ? Il est tentant de rechercher des « coupables » - des politiciens sans scrupule, trop anxieux de leur réélection pour s’occuper des choses sérieuses. Pour cela, le moindre orage devient alors la confirmation des catastrophes annoncées, et l’illustration de l’inconscience des dirigeants. A l’occasion, en faisant un peu monter la tension, on pourra prendre leur place !

Pierre Calamé (ancien président de la fondation Charles Léopold Mayer), plaide dans « Le Monde » (Contre le réchauffement climatique, il faut une obligation de résultats) pour instituer une obligation de résultat. Il propose trois moyens pour cela : 1/ Agir sur le prix du carbone par la taxation 2/ Vendre aux enchères des droits d’émission 3/ Attribuer à chacun des droits d’émission, qui se réduiraient d’années en années. A ses yeux, les solution 1/ et 2/ auraient pour conséquence de réserver les droits d’émission aux « riches » : il faut donc s’imposer la solution 3/, peut être par référendum (en fait, le tribunal administratif de Paris vient de rendre un arrêt dans ce sens).

Jean-Marc Sylvestre dans Face au réchauffement climatique le monde s’apprête...., propose une autre alternative : éviter la dramatisation et la recherche des coupables, lire attentivement les rapports  du GIEC ( l’organisme de l’ONU qui fait le point de la situation  à intervalles réguliers), en général beaucoup plus prudent que les commentateurs des média : il vrai que le climat se réchauffe, mais les conséquences seront en général moins dramatiques qu’annoncé, et, en plus, il n’est pas absolument certain que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ait l’effet attendu…. On frise ici le « climato-scepticisme » critiqué -selon Le Monde, qui ne brille pas sa rigueur scientifique - par l’Académie des Sciences (L’académie des sciences tourne la page du climato-scepticisme).

Reste que, climato-scepticisme ou pas, il n’est pas très sain d’empoisonner l’atmosphère avec des gaz irrespirables : on a donc raison de vouloir en réduire les émissions. Le problème, ici, est essentiellement énergétique : c’est la production d’énergie par des combustibles fossiles qui est responsable de la majorité des émissions, même si, au passage, on incrimine un peu l’agriculture et d’autres activités. Donc il faut réduire notre consommation d’énergie d’origine fossile. Il existe pour cela des alternatives, comme les éoliennes ou l’énergie atomique. Il est assez curieux que cette dernière source d’énergie soit refusée par une fraction significative de citoyens. De ce point de vue, il est assez savoureux de lire un article de Contrepoint sur la firme « Isotope Energy » qui vend de l’électricité « garantie d’origine nucléaire » (La fin du green-washing des électrons nucléaires.)

Mais le sujet a déjà été traité dans les précédentes chroniques, et nous n’y reviendrons pas ici, sauf peut-être pour signaler un extrait de L’Opinion (Relançons les GAFAM français de l’énergie.). Il présente un intéressant historique de la politique nucléaire française, depuis le « plan Mesmer » de 1974 qui, (bien involontairement !), a fait de la France un champion de la course aux faibles émissions de gaz à effet de serre, jusqu’aux décisions récentes de multiplier les « petites » centrales. Il évoque au passage les décisions funestes des présidents Mitterrand et Sarkozy qui décidèrent la fermeture des « surgénérateurs » Phenix et Superphénix, alors même que ceux-ci résolvaient une grande partie le seul problème réellement préoccupant lié au nucléaire, celui des déchets.

On notera que l’idée des « petites centrales atomiques » n’est pas tellement originale, puisqu’il y en a déjà depuis longtemps dans les sous-marins nucléaires, qui sont de petits bateaux...Reste que la multiplication de sources potentielles d’accidents plus ou moins graves en multiplie la probabilité, si faible soit-elle. Alors la question peut se poser de savoir si, dans l’opinion, une « petite » explosion nucléaire ferait moins de dégâts qu’une « grosse » … .

L’immigration

            Avec la candidature de Eric Zemmour à la présidence de la République, c’est là le sujet du jour, même si tout a été dit à la fois sur les avantages et les dangers de la chose… Nous retiendrons ici un nouvel extrait de Jean-Claude Guilly (Le contrôle de l’immigration n’est pas qu’une demande de l’extrême droite) qui ouvre quelques perspectives probablement discutables, mais originales :

            Il explique d’abord pourquoi divers sondages font apparaître l’immigration en cinquième ou sixième rang des préoccupations des citoyens, alors même que d’aucuns cherchent à en faire le cœur de la prochaine campagne présidentielle : pour beaucoup de gens, les immigrés sont loin de chez eux, et donc il y a plus urgent… Mais il demeure que le problème de l’immigration et de l’acculturation des immigrés se pose, et de façon aigüe, parce que « quelles que soient leurs origines, les gens perçoivent bien la logique démographique : ils ressentent parfaitement que dans un modèle multiculturel, où toutes les cultures continuent de faire valoir leurs normes, chacun se demande s'il est en voie de "minorisation" dans son quartier ou dans sa ville ».

            Le remède, dès lors, serait de ralentir le flux des immigrés, pour laisser aux intéressés le temps de « vieillir ensemble » et de reconstituer une unité culturelle… Mais cela, selon Guilly, se heurte à des obstacles sérieux, car, pour fusionner les cultures, il faudrait que l’immigré ait envie de ressembler à un modèle qu’il lui soit possible de rejoindre : or le modèle accessible aux immigrés est « l’autochtone pauvre ». Et celui-ci n’est plus très excitant, en particulier parce que, contrairement à ce qui se passait autrefois, l’autochtone pauvre est « une espèce en voie de disparition, dont on n’a plus tellement besoin », à cause, en particulier, de la généralisation du machinisme. De fait, les évolutions en cours correspondent plus à la « paupérisation des classes moyennes » qu’à « l’embourgeoisement des classes pauvres ». Dès lors, l’accès aux emplois non qualifiés auxquels peuvent prétendre les immigrés sont associés à la notion d’échec. Et de plus, comme ces emplois se raréfient, les immigrés se trouvent apparaître non plus comme des aides, mais comme des concurrents… .

            Peut-être y a-t-il quelques exagérations dans ces thèses. En tout cas, un autre extrait de  Contrepoint (Non, l’immigration ne pousse pas les salaires vers le bas)  défend vigoureusement l’idée que « l’immigration ne fait pas baisser les salaires » Il se fonde pour cela sur diverses études, en particulier l’une d’elle qui concerne l’arrivé subite en 1980 d’une importante masse d’immigrés Cubain en Floride, à la suite de la décision de Fidel Castro de libéraliser l’expatriation de ses nationaux : contrairement à toute attente, cette vague migratoire historique n’a nullement fait baisser les salaires locaux, bien au contraire !

Cependant, les salaires réels baissent…  C’est une coïncidence, et justement l’illustration du propos de Guilly : les immigrés arrivent dans des zones en déconfiture, habitées par des gens dont on n’a pas besoin…

Enfin, bien sûr, il faut aussi aborder les liens entre l’immigration et l’Islam : Bien évidemment, les dangereux islamistes radicaux se fondent dans la masse des immigrés musulmans pour passer inaperçus. Faut-il pour autant accuser tous les immigrés d’islamisme ? Ce n’est pas sûr, et beaucoup d’auteurs envisagent un islam « laïc », à la manière des religions chrétiennes. Mais une chose est sûre : nous n’en avons pas fini avec l’immigration !

Faut-il croire les scientifiques ? Les OGM cachés

L’épisode du COVID a mis en lumière les interactions entre les scientifiques (qui, par exemple, recommandent la vaccination) et l’opinion publique (avec une importante minorité qui la refuse...). Ce sujet de la crédibilité des scientifiques a été abordée dans la précédente chronique. La question rebondi (avec, peut-être un peu moins d’acuité) sur une foule d’autres sujets. Mentionnons ici la question des « OGM cachés », qui, au-delà de la controverse médiatique, implique le Conseil d’Etat, et pose un problème juridique majeur  (voir La saga tragi-comique des OGM cachés).

Tout le monde (ou presque) sait que les caractéristiques individuelles des plantes ou des animaux (la couleur des cheveux ou des pétales de fleurs, la faculté de résister à telle ou telle maladie, etc..) dépendent des gènes transmis à chaque individu par ses parents. On devrait savoir que, dans une population donnée, les gènes évoluent au cours du temps du fait de « mutations ». Les mutations sont à l’origine de la « biodiversité » au cours des âges. En particulier, elles sont à l’origine des plantes cultivées, dont les caractéristiques sont très différentes des espèces sauvages originelles, grâce aux efforts des hommes pour les modifier, et cela depuis le Néolithique.

Les techniques utilisées pour cela sont diverses. D’abord elles ont été limitées à l’observation et à la sélection : on observait que telle plante résistait à telle maladie, et on en multipliait la semence... Ensuite, depuis les années 1930, la mutagenèse expérimentale consiste à mettre les semences en contact avec des substances qui provoquent des mutations, en espérant que l’une de ces dernières sera « intéressante ». Depuis 1960, on essaie de modifier artificiellement le codage de l’ADN en transférant dans une espèce un gène connu dans une autre espèce. Cela donne un « OGM » (organisme génétiquement modifié). Enfin - c’est la technique la plus récente, qui date du début du 21ème siècle - on peut découper avec des « ciseaux génétique » le gêne d’intérêt dans l’ADN d’un individu de la même espèce par ailleurs « peu performant », et le réintroduire dans celui d’un individu « performant » mais dépourvu du gène désiré, pour obtenir ainsi une semence « performante améliorée ». Cette dernière technique, dite NBT (new breeding technique[1]), est donc infiniment plus précise que les précédentes, et ne dépend d’aucun aléa.  C’est pourquoi les généticiens sont enclins à la promouvoir,

Les OGM ont été l’objet de la suspicion du public qui y voit une atteinte intolérable aux lois de la nature. On y a vu aussi un épouvantable danger, les plantes OGM mieux armées pouvant prendre le contrôle de la planète... Ces craintes justifient la complexité des vérifications à effectuer avant de pouvoir commercialiser un OGM... Elles justifient aussi l’interdiction des OGM en France. Et c’est ici que commence l’imbroglio juridique.

En effet, les plantes obtenues par NBT doivent-elles être soumises à la législation sur les OGM ?  En France, le Conseil d’Etat, dans la foulée de la Cour de Justice Européenne, n’a pas fait de détail, et a considéré que toutes les variétés de toutes les espèces de végétaux cultivées ayant subi au cours de leur histoire agronomique la mutagenèse expérimentale, doivent être considérées comme des OGM....

Or cet arrêt est dramatique, car il implique que presque toutes les variétés cultivées actuellement - elles sont toutes plus ou moins descendantes de plantes obtenues par mutagénèse expérimentales - doivent être considérées comme des OGM, et soumis à la même interdiction dans notre pays. Même les agriculteurs « bio » sont donc en infraction... Par ailleurs, au moins selon certains juristes, il est contradictoire avec certaines des règles Européennes, en particulier celles qui concernent le commerce, parce qu’il justifierait toutes sortes de restrictions aux importations. Il ne sera donc sans doute jamais exécuté… Certains accuseront la formation de l’ENA d’avoir nourri des magistrats incompétents pour aboutir à un pareil résultat !

Il n’en demeure pas moins que dans cette affaire, le Conseil s’est visiblement appuyé à la fois sur l’opinion publique et sur le « principe de précaution » (de fait, il est impossible d’affirmer que les manipulations génétiques ne pourront jamais entraîner d’effets nuisibles). Reste à savoir si ces deux guides sont réellement fiables et pertinents... C’est une grande question, qui a beaucoup de chances de se reposer à propos d’autres sujets que celle des manipulations génétiques, et qui mériterait peut-être des réflexions au sein de Contrat Social !

Et l’appareil judiciaire n’est pas seul en cause : comme le montre Atlantico (Gouvernement secret : ces lois dont on ne parle jamais et qui façonnent pourtant profondément nos quotidiens) à propos de la sécurité publique, le problème se pose aussi au niveau législatif. Beaucoup de lois sont votées dans l’indifférence générale, avec des conséquences qui pourraient être incalculables si elles étaient appliquées... On touche là au cœur des défauts du système démocratique. Dans L’information, un bien public, Henri Pigeat propose quelques pistes possibles autour de la notion d’information pour expliquer le phénomène. Il pointe évidemment Internet et les réseaux sociaux, qui changent complètement les rapports entre les citoyens et l’information de base. Mais hélas, il ne fournit aucune piste pour échapper au problème…

Et enfin, on vient de le voir, l’ « obligation de résultats » vis à vis des engagements pris sur le réchauffement climatique est à l’ordre du jour dans les tribunaux administratifs...

Questions internationales : Afghanistan, Sahel

Avec la campagne électorale en marche, les questions internationales ont fait l’objet d’assez peu de commentaires remarquables ce trimestre, à l’exception peut-être du retrait américain de l’Afghanistan, et des pressions en faveur du retour du protectionnisme.

Le retrait des USA en Afghanistan a fait l’objet de plusieurs commentaires :  Au-delà de la maladresse des militaires Américains qui n’ont pas vu « venir le coup », ils soulignent qu’il est maintenant impossible à un pays de compter sur l’aide d’un autre pour assurer sa sécurité. En outre, ils pointent les analogies qui existent entre la situation afghane et celle qui prévaut au Sahel. Dans L’échec des États Unis en Afghanistan, Morgane Le Cam, résumant un manuscrit de George Tenenbaum, met en évidence l’analogie entre les deux situations, toutes deux résultant de la méconnaissance des sociétés locales. En particulier, en Afghanistan au moins, l’afflux d’aide internationale a permis le développement de la corruption à grande échelle, en particulier dans l’armée nationale, ce qui a décrédibilisé les gouvernements aidés….

Faut-il pour autant laisser les mercenaires Russes essayer de régler le problème Malien ? Il est à craindre qu’ils ne fassent pas mieux que les Français, sinon pire…

Questions internationales : L’Europe

A vrai dire, les documents réellement nouveaux sur l’Europe, qui semble s’endormir dans un doux sommeil bien-pensant, sont rares. On signalera seulement, en passant, un article de Léon Guegen publié dans Eurosciences sur Les freins et limites de l’alimentation bio, et un autre de Pierre Calamé sur son « programme » (Euroblog de Pierre Calamé )pour justement « secouer le cocotier ».

Gueguen s’inscrit en faux contre les allégations selon lesquelles l’alimentation « bio » serait meilleure pour la santé, ce qui, au passage, détruit une bonne part des initiatives qui figurent dans beaucoup de projets sur la Politique Agricole Commune – en particulier l’octroi de subventions pour « compenser les différences de coût » - en vue de diffuser ce mode de nourriture.

Calamé de son côté, propose une douzaine de mesures nouvelles pour remettre à flot la politique Européenne. Il y en a trop pour que chacune d’entre elles fasse ici l’objet d’une analyse détaillée. On se bornera à noter qu’elles tournent en majorité autour de la formation des fonctionnaires. Il est indiscutable que ceux-ci, comme on vient de le voir pour certains juges du Conseil d’État en France, sont souvent pris en défaut d’ignorance. Cela dit, qui formera les formateurs ? En tout cas, le mot « Contrat Social revient plusieurs fois dans son propos, ce qui devrait réjouir nos cœurs…

Les politiques de redistribution et de lutte contre les inégalités

Ici, plusieurs documents méritent une mention dans cette chronique.

D’abord, pour l’amusement, un bref dialogue par courriel (Vers un nouvel essor du capitalisme ?)entre deux anciens chercheurs de l’INRA sur la notion de « Capitalocène ». Le Capitalocène serait une nouvelle ère géologique, comme l’éocène ou le paléocène, caractérisée par le triomphe du capitalisme. Selon l’un des participants, elle aurait commencé au début du XIX ème siècle, et serait maintenant en train de se refermer (avec la disparition du marxisme, remplacé par l’écologie). L’autre estime que le triomphe du capitalisme est associé à l’existence des « économies d’échelle », que l’on ne pourra pas supprimer plus que la gravitation universelle. Le Capitalisme a apporté beaucoup d’avantages, mais aussi des inconvénients   sérieux, en particulier en matière de répartition des richesses. Il y a donc lieu d’essayer de le corriger, mais pas de le supprimer. 

Un autre extrait de Aude Martin dans Alternatives économiques (La garantie d’emploi, arme fatale contre le chômage ?)s’interroge sur les effets possibles des politiques de « garantie d’emploi ». Il n’est pas certain qu’ils soient aussi positifs qu’ils en ont l’air, mais pas forcément non plus aussi négatifs que l’affirment les plus farouches libéraux. Des expériences en ce sens sont citées, en particulier en Inde. Dans ce pays, « le programme national de garantie d’emploi rural (NREGA) a été lancé par le Parti du Congrès en 2005 et poursuivi depuis par le BJP de Narendra Modi. Il garantit « au moins cent jours de travail payé au Smic à chaque ménage rural. ». Ces mesures n’ont pas eu beaucoup d’effets sur l’emploi, mais elles ont diminué les inégalités de revenus. Aux yeux de commentateurs, elles peuvent sans inconvénients être financées par la création de monnaie (cela se discute !).

Jacques Bichot dans Stand-by pour les retraites s’interroge sur un instrument important dans la panoplie égalitaire – un instrument qui a fait depuis longtemps l’objet de l’attention de Contrat Social ! – les retraites. C’est l’un des échecs d’Emmanuel Macron de n’avoir pas réussi à mener à bien ses projets dans de domaine. L’auteur, ici, attribue cet échec au fait qu’il s’agissait seulement d’un remake des politiques mises en œuvre en Suède il y a des dizaines d’années, et axé sur des considérations financières (avec la confiscation des avoirs des caisses de retraites bénéficiaires !). Or il aurait fallu être encore plus audacieux, et partir de l’idée d’Alfred Sauvy, selon laquelle « nous ne préparons pas nos pensions par nos cotisations, mais par nos enfants »

Justice, Europe, et identité nationale

Nous terminerons par une réflexion sur le « gouvernement des juges », en particulier européens, mais pas seulement, ce qui prolongera les réflexions précédentes sur les OGM.

De fait, si, dans ce dernier cas, des scientifiques éminents peuvent accuser la cour de justice européenne (et le Conseil d’Etat Français) de trop suivre l’opinion publique, ce n’est pas toujours le cas, bien au contraire : En matière d’immigration, par exemple, plusieurs candidats (de droite en général, (en particulier Jean-Louis Thiériot dans Pour rendre au peuple sa souveraineté, quel coup de majesté?) dans la campagne électorale qui se joue actuellement ont pu stigmatiser le « gouvernement des juges », aussi bien français que Européens, beaucoup trop laxistes en la matière. Or les juges (du moins, en Europe) n’ont pas de mandat électif direct, de sorte qu’il est facile de les taxer d’être « antidémocrates » (aussi bien, le même reproche leur est quelquefois adressé aux USA, où ils sont en partie élus !).

D’un autre côté, si la démocratie est le pire des systèmes de gouvernement (bien sûr, à l’exception de tous les autres, selon la formule fameuse !), il est peut-être possible d’en corriger quelques-uns des défauts… Mais les juges sont-ils qualifiés pour cela ? Et les scientifiques le sont-ils mêmes, alors qu’ils ne sont jamais d’accord entre eux, même s’il est admis que la Vérité scientifique ne se décide pas à la majorité des votants (ce qui nous conduirait sans doute à admettre que le soleil tourne autour de Terre, comme chacun peut le vérifier en regardant par la fenêtre)?

Nous terminerons avec ces interrogations, auxquelles il est bien difficile de répondre en quelques lignes (et même en beaucoup de pages !).


[1] à la mise au point de laquelle a participé une française, Emmanuelle Charpentier,  émigrée à l’institut Rockefeller de New-York, puis au Max Planck Instituut de Berlin. Elle a pour cela partagé le prix Nobel de chimie en 2020 avec sa collègue Jennifer Doudna. 


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