Les remèdes chocs de Bayrou pour l’agriculture française Le haut-commissaire au Plan défend des solutions controversées, des retenues d’eau à l’hybridation des plantes.


François Bayrou dresse un tableau précis des fragilités de nos campagnes.
François BOUCHON/Le Figaro


Canicule, jaunisse de la betterave, inondations… En faisant état mercredi d’une chute de 1,8 % de la production agricole en 2020, l’Insee a confirmé l’impact du dérèglement climatique sur la Ferme France. Alors que le gouvernement a lancé en mai le «Varenne de l’eau» (séries de consultations autour de l’eau), François Bayrou enfonce le clou. Dans une note publiée ce vendredi que Le Figaro a consulté, le haut-commissaire au Plan dresse un tableau précis des fragilités de nos campagnes, entre diminution constante du nombre des agriculteurs - passés de 1,6 million à 450 000 en quarante ans -, pressions écologiques, et désamour des Français.


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«Alors que la France a été à l’avant-garde de la révolution agricole, elle subit depuis vingt ans un déclassement cons-tant sur la scène mondiale, d’où elle a perdu sa place de locomotive. Or l’agriculture est un pan majeur de notre stratégie de reconquête productive», souligne-t-il. De fait, la balance commerciale de La ferme France a été déficitaire de 0,9 milliard d’euros en 2019 avec ses voisins européens.


Solutions concrètes pour redresser la barre
Mais celui qui pilote le «Plan», voulu par Emmanuel Macron, lance aussi des pistes pour redresser la barre. Alors que la renégociation de la PAC a ravivé les divisions entre le monde agricole, les ONG et les associations de protection de l’environnement, il prévient: «Le socle de la reconquête passe par la réconciliation entre la quantité de production et la qualité environnementale. Le divorce que l’on a vu se créer en dix ans n’est pas inéluctable. Cela passe par exemple par la prise de conscience que l’agriculture est un puits à carbone formidable, et non une offense à la planète.»
Comme solutions concrètes, le rapport met en avant la rotation des cultures, ou la plantation de haies favorables à la biodiversité et au stockage du CO2. Un sujet auquel le gouvernement s’est attaqué dans le plan de relance en débloquant 50 millions d’euros pour replanter des haies, dont 70 % ont disparu des bocages français depuis 1950. «La re-lance est utile mais ne suffit pas, prévient François Bayrou. C’est bien un projet de reconquête que je défends.»
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Dans ses préconisations, ce proche d’Emmanuel Macron n’hésite pas à aller sur des terrains plus minés: du déclin du modèle familial de l’agriculture «dont on ne doit pas faire une tragédie», à la gestion de l’eau en passant par la sélection variétale des plantes.


Ce dernier sujet a traumatisé la France depuis le psychodrame des OGM il y a vingt ans. Si la note ne s’aventure pas sur ce terrain, «il faut briser certains fantasmes, s’avance François Bayrou. Je suis pour la recherche, d’autant que la France est un grand pays de recherche agronomique. On a vécu par exemple la révolution de l’hybridation du maïs qui a multiplié par quatre nos rendements depuis la fin de la guerre. Ce travail sur les espèces fragiles leur permettra de mieux supporter le changement climatique prévisible. Vouloir interrompre cela, c’est absurde et contraire à ce que l’on a fait depuis des milliers d’années.» Une référence aux débats autour des techniques d’édition du génome, qui crispent les mouvements écologiques. Ces derniers les assimilent aux OGM, contrairement à la position de Bruxelles.
«Il en est de même avec la gestion de l’eau. On se comporte comme si cela était antinaturel. Mais quoi de plus logique que de retenir de l’eau de surface lors d’épisodes de forte pluviométrie en prévision des périodes de sécheresse. Cela aussi, c’est de la gestion responsable», ajoute François Bayrou.


Déficits multiples
Alors que plus de 900 productions agricoles et agroalimentaires françaises affichent un déficit commercial de plus de 50 millions d’euros, l’heure est aussi au changement de braquet, estime le commissaire. À rebours du dogme de la montée en gamme portée durant les États généraux de l’alimentation de 2017, il estime qu’il ne faut oublier aucun marché, et aucun portefeuille. «On ne peut pas se contenter de rester forts dans les vins et les spiritueux. Attaquons-nous aux déficits injustifiés de l’agriculture. De l’avocat bio que l’on pourrait cultiver dans nos frontières, à la pomme de terre que l’on exporte pour ensuite importer des chips et des frites. Cela, c’est de l’agriculture de pays en développement.» La demande alimentaire mondiale, exprimée en calories, devant bondir de 50 à 70 % d’ici à 2050, la note estime déraisonnable d’abandonner trop vite viande ou produits laitiers, points forts de nos campagnes.
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Ce combat écologique et économique ne peut enfin se passer d’une redéfinition des règles du jeu sur la scène mondiale. Sans quoi les paysans français, déjà alourdis de contraintes réglementaires depuis vingt ans, seraient menacés. «Quand les agriculteurs français baissent de 30 % leurs intrants chimiques, et que nos voisins comme l’Allemagne ne bougent pas, il y a une responsabilité politique majeure à porter cette équité en Europe et dans le monde. Il est particulièrement important que l’Europe devienne un continent qui sait se défendre face à des productions qui ne respectent aucun de nos standards économiques et sociaux. De ce point de vue, la période actuelle va dans le bon sens.»


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