Débattre des pistes pour des réformes

Les deux premiers volets de notre site mettent en évidence un fort contraste entre

— une vie collective française structurée par un « modèle » périmé mais qui survit ; au cœur de ce modèle, un fort secteur public, contrôlé par une nouvelle noblesse issue des grands corps de l’état, s’appuie sur le mythe encore vivace selon lequel l’état serait tout puissant ;

— des révolutions aux formes multiples — technologiques, géopolitiques et sociétales qui, à des degrés très divers, ont touché le monde entier, achevant de rendre obsolète le modèle français.

« Il ne faut confondre (en effet) ni la capacité d’adaptation de nos entreprises, ni la mobilité de la société française avec la lenteur de l’évolution de notre état. » ([1]) Les évolutions intervenues chez les uns et la rigidité de l’autre qui a perduré ont fini par créer une première fracture.

Le troisième volet, pour montrer la réalité du contraste que nous venons d’évoquer, analyse quatre aspects essentiels de la société française : éducation, emploi, retraites et santé. Y est avancée l’idée que les déviations et les inadaptations de l’État-providence sont pour une grande part responsables d’un phénomène d’exclusion qui est la honte de notre société. « Nous étions une société de discrimination, nous devenons une société de ségrégation » nous dit Alain Touraine. ([2]) Oui, une deuxième fracture s’est produite.

Une vision optimiste de l’histoire permet de voir l’état de droit gagner du terrain sur la violence, à travers maintes vicissitudes bien sûr, mais, de façon moins patente, les plus forts n’ont-ils pas utilisé les ressources de l’état-providence pour améliorer leur confort et maintenir leur suprématie à l’égard des plus faibles ? aux yeux de beaucoup, la façon dont certains de ces derniers réagissent légitime le recours à la force ; d’autant plus que des élus ont transformé des situations inacceptables en argument électoral (la « tolérance zéro »). La fracture sociale ne risque-t-elle pas, dès lors, de devenir ce fossé qui, au xixe siècle sépara le centre de la capitale de ses hauteurs et de ses faubourgs ? La perversion des buts de notre énorme machine sociale qui s’est peu à peu installée pourrait bien expliquer qu’elle semble « au bout du rouleau. » Qu’il s’agisse de l’éducation, de l’emploi, des retraites ou de la santé, au terme de chacun des chapitres de notre site qui évoquent ces sujets, des pistes ont été présentées pour que les choses évoluent.

Ce quatrième volet va tenter de donner un sens commun à ces suggestions partielles. Il s’interroge, d’abord, sur les termes qui pourraient être ceux d’un nouveau contrat social entre les citoyens. Comment assurer la cohésion sociale de la nation ? Comment attirer et retenir en France talents ou activités ? Réduire l’exclusion tout en favorisant une croissance sans laquelle il n’est pas de progrès social possible ? Les plus favorisés ne pourraient-ils accepter une révision des objectifs d’une énorme machine baptisée de sociale ? Demander moins à un état-providence dont les prélèvements auraient une chance de baisser ? Les moins favorisés ne devraient-ils pas devenir prioritaires ? Ne faut-il pas, en même temps, viser à ce que les citoyens soient beaucoup plus impliqués qu’aujourd’hui dans la conception et la gestion des interventions sociales, et tendre à une démocratie qui, partant de la base, soit plus active et plus fraternelle (chapitre 41) ?

En effet, la prise de contrôle des grands partis politiques par d’anciens fonctionnaires et le financement de ceux-ci par l’état ont contribué à maintenir les citoyens à distance de la gestion de la cité. Le nouveau contrat que nous esquissons semble si incompatible avec tant de pratiques archaïques que nous avons été conduits à nous interroger sur les finalités et les modes de gestion qui pourraient être ceux de l’État au XXIe siècle (chapitre 42) ?

Nous nous demanderons enfin, si les forces sociales et politiques de la France d’aujourd’hui — avec leurs aspirations mais aussi la rémanence des mythes anciens — permettront que s’établisse un nouveau contrat social. Nous non plus ne croyons pas aux « ruptures brutales avec le passé. Elles ne sont ni efficaces ni justes : le passé est là et il demeure. » Mais on peut favoriser l’évolution progressive des conceptions et des comportements.

Débattre des pistes pour des réformes :

— 41 : pistes pour l’avenir

— 42 : l’État rénové

— 43 : la politique, à nouveau, en mouvement ?

[1] Roger Fauroux et Bernard Spitz, Notre état, ouvrage collectif, Robert Laffont, 2000.

[2] Face à l’exclusion, in Citoyenneté et urbanité, Esprit, 1991.


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